À travers les murs - L’architecture de la nouvelle guerre urbaine

No 026 - oct./nov 2008

Eyal Weizman

À travers les murs - L’architecture de la nouvelle guerre urbaine

Lu par Rachad Antonius

Rachad Antonius

Eyal Weizman, À travers les murs L’architecture de la nouvelle guerre urbaine, Paris, La fabrique, 2008, 102 p.

À travers les murs est déroutant dans ses premières pages, mais absolument fascinant. Analysant les stratégies et tactiques de la nouvelle guerre urbaine contre les Palestiniens, Eyal Weizman nous entraîne dans un univers postmoderne où la réflexion sur l’organisation de l’espace fait un détour par Gilles Deleuze, Félix Guattari et Guy Debord. Il montre comment des réflexions sur la déconstruction de l’espace urbain, dans lesquelles le théoricien de l’urbanisme Simon Marvin a joué un rôle important, sont à la base des stratégies de combat de l’armée israélienne dans les zones urbaines palestiniennes.

Avec des détails fascinants, Eyal Weizman montre comment l’armée israélienne fonctionne avec des logiques empruntées aux colonies du règne animal. C’est en effet à travers des couloirs percés à même les maisons palestiniennes, à travers les murs et les plafonds, dans les salons, les chambres à coucher et les cuisines, que des labyrinthes sont construits dans l’espace urbain. Le dedans devient un espace ouvert aux soldats israéliens, et les indications des routes à suivre sont inscrites à la bombe de peinture à même les murs intérieurs des maisons, près des trous béants creusés à l’aide de bulldozers, de pics, ou d’explosifs : « sortie, entrée, défense d’entrer, vers… », etc.

Le but de cette stratégie est de surprendre les combattants palestiniens en pénétrant au sein de leur espace non pas par les portes et les fenêtres, où ils attendent l’armée israélienne, mais de l’intérieur, les forçant à sortir dans les allées et les rues où des tireurs d’élites patientent. La guerre fait ainsi irruption au cœur des maisons des civils, dans le cadre d’une stratégie visant essentiellement à tuer le plus de combattants possible, sans leur permettre de se rendre. Ariel Sharon avait convoqué le chef d’état-major, Shaul Moffaz, et le chef de la sécurité intérieure, Avi Dichter, pour leur transmettre un ordre : « Les Palestiniens […] doivent payer le prix fort […] Tous les matins en se réveillant, ils doivent découvrir que dix ou douze des leurs ont été tués, sans savoir ce qui s’est passé… À vous d’être créatifs, efficaces, ingénieux. » Un livre obligatoire pour comprendre la stratégie israélienne et ses effets sur les civils.

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