Municipalisme
Montréal - Une ville sans pouvoir citoyen
Le 20 juin dernier, l’Assemblée nationale adoptait la loi 22 entérinant deux ententes conclues quelques jours auparavant entre, d’une part, le gouvernement québécois et la Ville de Montréal et, d’autre part, Québec, Montréal et les 15 villes reconstituées de l’île.
Cette loi est la dernière d’une kyrielle que les gouvernements péquiste et libéral ont fait voter à tour de rôle depuis 2000 pour réorganiser l’administration municipale dans l’agglomération montréalaise. Elle s’inscrit dans la même lignée que les précédentes, ne faisant que gommer certains irritants. Elle ne concerne pas le reste de la région métropolitaine.
En bref, la loi 22 octroie (enfin) à Montréal le titre de métropole du Québec. Cette reconnaissance se traduit notamment par l’octroi de pouvoirs de taxation accrus. Le maire Gérald Tremblay est le grand gagnant car presque toutes ses revendications ont été satisfaites : ainsi le maire de la ville occupera la fonction de maire de l’arrondissement du centre-ville et certaines compétences dévolues aux arrondissements, tel le déneigement, pourront être centralisées.
Au niveau de l’agglomération, les villes reconstituées n’ont pu obtenir le secrétariat d’agglomération, doté d’une personnalité juridique, qu’elles réclamaient pour cesser d’être confinées au rôle de figurantes. Devant l’opposition du maire Tremblay, elles devront se contenter d’un secrétariat de liaison ayant seulement une fonction d’information. Par ailleurs, le nombre d’élues siégeant au conseil d’agglomération demeure inchangé, contrairement à ce que prévoyait la mouture originale du projet de loi qui permettait à tous les membres du conseil de ville de Montréal d’en faire partie. Encore là, le maire Tremblay a eu gain de cause : il continuera de choisir les représentantes de Montréal. L’omnipotence du maire de Montréal sur ce conseil, qui draine 60 % des ressources financières des municipalités de l’agglomération, se trouve donc ainsi confirmée. À noter que ce dernier contrôle aussi l’administration de la Ville grâce à un comité exécutif siégeant à huis clos, dont il nomme les membres qu’il peut aussi démettre. Il en est ainsi à la Communauté métropolitaine de Montréal, dont il préside le comité exécutif siégeant aussi à huis clos de même que le conseil. Il s’agit en fait du politicien le plus puissant au pays dans sa juridiction. Aux trois niveaux, les pouvoirs se trouvent ainsi concentrés entre les mains d’un petit groupe d’élues qui prennent leurs principales décisions à huis clos loin du regard des citoyenNEs.
En 2000, Québec a dit non à la gouvernance métropolitaine
Compte tenu de la fragmentation de la région métropolitaine de Montréal au plan institutionnel, les travaux de prospective engagés au début des années 1990, notamment ceux du Groupe de travail sur Montréal et sa région (Rapport Pichette), ont insisté sur la nécessité d’une réforme à une échelle territoriale très large. Les projections étaient alors unanimes : le salut de Montréal ne pourrait passer que par un système de gouvernance métropolitaine se démarquant des institutions classiques incarnées par les municipalités. On préconisait la création d’institutions métropolitaines fortes permettant de pallier la fragmentation institutionnelle de la région.
C’est dans ce contexte que le gouvernement québécois a annoncé, à la fin des années 1990, la mise en chantier d’une réforme des institutions locales. Un consensus s’est alors dégagé pour que la réorganisation s’effectue à l’échelon de la région métropolitaine, tout en maintenant des municipalités pour la gestion de proximité. Mais l’histoire ne s’est pas déroulée comme on l’avait prévu. À la suite d’une démarche entreprise par les maires des cinq plus grandes villes du Québec, le gouvernement Bouchard a plutôt fait voter, en 2000, une loi imposant la fusion de dizaines de municipalités attenantes aux villes importantes. Dans ce cadre, la région métropolitaine de Montréal, qui à l’origine devait être le cœur de la réforme sinon son unique objet, a été découpée en trois blocs avec, sur son île centre, une mégaville intégrant toutes les 28 municipalités existantes.
Longtemps hostile au concept une île une ville cher au maire Jean Drapeau, le premier ministre Bouchard a pesé de tout son poids pour imposer finalement une solution reconnaissant la place particulière de la Ville de Montréal dans le système québécois et canadien. Le gouvernement n’a donc pas créé une métropole, mais trois villes : Montréal, Longueuil et Laval (où la fusion remontait à 1965).
Le néolibéralisme galopant
Renforcer Montréal ainsi que les principales villes du Québec. Tel était le but que disait s’être fixé le gouvernement péquiste lorsqu’il a ouvert le bal en 2000 en faisant adopter la loi 170 sur les fusions municipales pilotée par la ministre Louise Harel. Mais comme les objectifs de l’opération l’ont vite rendu manifeste, ses véritables motifs s’apparentaient plutôt aux préceptes biens connus du néolibéralisme : efficacité et rationalisation administrative, économie d’échelle et compétitivité internationale. L’atténuation des disparités fiscales entre les municipalités s’ajoutait à cette liste, mais cette dernière aurait pu fort bien se réaliser sans fusion.
Une nécessité aussi pressante que la réforme démocratique et la participation des citoyennes aux prises de décision n’a jamais été considérée par les technocrates de l’État dans la préparation du Livre blanc menant à la présentation de la loi 170. Elle n’a pas été mentionnée non plus dans le débat ayant précédé les fusions, lequel a été monopolisé par les élites économiques, les médias et certains conseils de ville. On y a plutôt discuté ad nauseam des seuls enjeux administratifs, fiscaux et techniques.
Au niveau régional, on constate que l’institution « faible » qu’est la Communauté métropolitaine de Montréal n’a pas réussi à faire adhérer les citoyennes au concept de région métropolitaine ni à y développer un sentiment d’appartenance. Nous n’assistons pas à la naissance d’une identité métropolitaine. Le fait que les dirigeantes de la communauté soient déléguées par les villes et non élues directement est l’un des facteurs expliquant pourquoi la population ne se reconnaît pas à l’échelle territoriale de la Communauté. Cette dernière est un espace public de délibération politique, mais uniquement pour les éluEs qui siègent à huis clos lorsqu’ils prennent des décisions importantes. Elle ne rejoint pas les citoyennNEs.