Immigration
{La directive de la honte} du Parlement européen
Fidèles à leur politique de plus en plus répressive en matière migratoire, les principaux États occidentaux ne cessent de renforcer leurs mesures juridiques, politiques et administratives déjà très largement coercitives. Le paradigme étatique dominant est celui du tout-sécuritaire. C’est dans ce sillage qu’a été adoptée en juin dernier par le Parlement européen ce que l’on appelle « la directive retour ». L’objectif assigné à cette dernière est de baliser le retour des migrants clandestins dans leur pays d’origine. Comme nous le soulignent à juste titre les organismes œuvrant dans la défense des droits des personnes réfugiées et migrantes, cette mesure qu’ils ont rebaptisée « directive de la honte » va jusqu’à fixer à 18 mois la durée de rétention des clandestins . Inutile ici de souligner l’indignité caractérisant les centres de rétention dans lesquels sont confinés les sans-papiers. Cette directive autorise aussi le placement en rétention des mineurs et accompagne les expulsions d’une interdiction d’entrée de cinq ans sur le territoire européen.
Cette mesure a été adoptée surtout sur pression française. En effet, Paris œuvre depuis longtemps pour que les 27 pays de l’Union européenne instaurent une politique commune en matière d’asile et d’accueil des étrangers. En quelque sorte, cette mesure délègue donc au niveau européen l’idée chère à Nicolas Sarkozy d’une « immigration choisie », « en fonction de tous les besoins du marché du travail ». Sous la pression de l’Espagne, le texte a été modifié : il n’interdit plus les « régularisations massives », mais convient « de se limiter à des régularisations au cas par cas, et non générales ». Triste et mince consolation !
Les États du sud de la Méditerranée sont pour l’instant muets devant cette mesure. Ils doivent en effet montrer patte blanche en resserrant les mesures de contrôle s’ils veulent récolter quelques dividendes des négociations euro-méditerranéennes.
À ce jour, seuls les dirigeants sud-américains osent s’y opposer. Sans surprise, le tollé latino-américain est porté par le président bolivien, Evo Morales. C’est à lui qu’incomberait l’initiative des protestations latino-américaines. Les Boliviens constituent en effet une importante communauté immigrée en Espagne. En juin dernier, Morales a adressé une lettre ouverte à l’Union européenne (UE), reprise par plusieurs journaux, condamnant la « directive de la honte ». Sa lettre rappelle que « les Européens sont arrivés massivement dans les Amériques sans visa ni conditions imposées par les autorités », en vue d’« exploiter les richesses et de les transférer en Europe ». Une liberté de ton que les oligarchies des États dits arabes du pourtour méditerranéen ne peuvent se permettre. Leur compradorisation et leur volonté inconditionnelle de consolider leurs liens avec l’UE les attachant considérablement.