Halte aux oléoducs

No 054 - avril / mai 2014

Écologie

Halte aux oléoducs

Une lutte citoyenne dédiée aux générations futures

Coalition Vigilance Oléoducs

Les limitations imposées à l’expression de la voix citoyenne par l’Office national de l’énergie (ONÉ) et la Commission parlementaire du gouvernement du Québec n’auront pas réussi à décourager le mouvement d’opposition aux projets destructeurs de l’industrie pétrolière et gazière. Au contraire, cette complicité affichée de nos gouvernements avec l’industrie – sous prétexte d’acceptabilité sociale – aura eu pour effet de galvaniser les troupes.

Le projet d’oléoduc Enbridge

L’entreprise Enbridge, responsable de plus de 800 déversements de pétrole en une décennie, a présenté à l’ONÉ à l’automne 2012 une nouvelle requête visant à acheminer du pétrole brut en provenance des gisements des sables bitumineux de l’Alberta vers le Québec. Cette demande, qui fut acceptée le 19 mars dernier, comporte également une augmentation du débit, qui passerait de 240 000 à 300 000 barils par jour dans un oléoduc âgé de 38 ans. Cet oléoduc, appelé la ligne 9b, passe par la ville de Sarnia en Ontario et longe les centres urbains les plus peuplés du sud de cette province, terminant son parcours à la raffinerie Suncor dans l’est dMontréal. Ce tronçon de la ligne 9 qui s’étend sur 639 km subit actuellement 600 réparations jugées nécessaires à la suite de son inspection. Par ailleurs, dans sa portion québécoise, l’oléoduc traverse des zones habitées comptant plusieurs millions de citoyens et citoyennes. Le plus inquiétant repose sur nos réserves en eau potable. En effet, le pipeline traverse également une multitude de cours d’eau, dont la rivière des Outaouais, le lac des Deux-Montagnes et la rivière des Mille-Îles.

Mais les localités qui se trouvent à proximité du tracé de la ligne 9b ne sont pas les seules communautés concernées. La détresse de la Première Nation Chipewyan est une autre facette qu’exacerbent ces projets contestés. En effet, ce peuple cri est établi près de la rivière Athabasca, en aval des installations extractives de Fort McMurray en Alberta. Les Autochtones originaires de cet endroit ont perdu au cours des 35 dernières années près de 90 % de leur territoire ancestral. Ces violations de la terre se sont perpétrées au gré des 17 000 permis d’exploitation octroyés par le gouvernement de l’Alberta au profit de l’industrie pétrolière et gazière, bafouant ainsi impunément les traités ancestraux signés par la couronne d’Angleterre dans un premier temps, puis enchâssés par la suite dans la constitution canadienne lors de son rapatriement en 1982.

Cette violation systématique des droits auto­chtones s’ajoute aux problèmes de la pollution endémique liée à la production massive des gaz à effet de serre résultant de l’extraction et de la transformation des sables bitumineux en bitume dilué. En effet, la production albertaine devrait tripler d’ici 2030 selon les visées de l’industrie pétrolière, passant ainsi de 1,8 million de barils de pétrole par jour à plus de 6 millions. Cette production ferait de l’Alberta, à terme, le plus important producteur de pétrole au monde, devançant même l’Arabie Saoudite  [1].

La mobilisation citoyenne grandit

Face à ce désastre appréhendé, de plus en plus de citoyen·ne·s se mobilisent. En novembre 2012, dès qu’Enbridge dépose son plan d’inversion de la ligne 9b, la mobilisation citoyenne commence à s’organiser. C’est ainsi que de petites organisations déjà établies ou naissantes se rassemblent sous une même bannière : la Coalition vigilance oléoducs (CoVO). Tout au long de l’année 2013, la CoVO travaillera sur le terrain afin de sensibiliser ses concitoyen·ne·s sur les risques reliés aux oléoducs, particulièrement en ce qui concerne l’approvisionnement en eau potable dans nos communautés. Quelques conférences de presse très médiatisées, des perturbations durant les auditions de l’ONÉ, des articles de journaux, des rencontres avec le milieu agricole, autochtone et la population en général auront été au cœur de nos actions. Plusieurs organisations citoyennes partageant des missions semblables à la nôtre, telles que Stop oléoducs, le Regroupement interrégional des gaz de schiste de la Vallée du Saint-Laurent, Coalition Saint-Laurent, Non à une marée noire dans le fleuve Saint-Laurent, Taches d’huile, etc., élaboreront des stratégies similaires.

Plus récemment, une Marche citoyenne contre les oléoducs débutant le 10 mai – depuis le futur port de mer projeté par l’industrie des sables bitumineux à Gros Cacouna, près de Rivière-du-Loup, jusqu’à la communauté mohawk de Kanesatake, près d’Oka – a vu le jour. Ce périple de plus de 650 km en 35 jours aura pour objectif de sensibiliser et de tisser des liens de solidarité avec les communautés touchées par les projets de transport de bitume dilué des sables bitumineux (Enbridge et Énergie-Est de Trans-Canada). Conjointement, ces deux oléoducs transporteront 1,4 million de barils de pétrole par jour, faisant du Québec la plaque tournante du pétrole des sables bitumineux au Canada…

Enfin, la volonté des groupes citoyens d’unir leurs efforts n’aura jamais été aussi déterminée depuis le soutien indéfectible du gouvernement Harper à l’industrie pétrolière et gazière du Canada. L’année 2014 marquera le rejet social d’une politique énergétique néfaste pour la population québécoise et canadienne.


[1Clare Demerse et Erin Flanagan, « Climate Implications of the Proposed Energy East Pipeline », Pembina Institut, 6 février 2014. Disponible en ligne à http://www.pembina.org/.

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