Idle No More Québec, un an plus tard
Où en sommes-nous ?
Aujourd’hui, le mouvement étant un peu moins présent dans les médias, on me demande souvent si Idle No More est encore actif. Et ma réponse est positive : malgré le désintérêt médiatique, Idle No More est effectivement toujours actif et je dirais même qu’il est mieux organisé qu’à ses débuts.
Au Canada et au Québec, des actions ont encore lieu à des moments stratégiques. Le mouvement a ravivé le sentiment de fierté et de solidarité dans les communautés autochtones. L’engagement d’Idle No More ne se limite pas aux manifestations dans les rues ; il s’exprime d’une multitude de façons, plus subtilement, mais de manière durable. À travers leur implication dans le mouvement, des femmes et des jeunes autochtones ont eu l’impression de faire entendre leur voix, des voix qui ne sont malheureusement pas toujours prises en compte dans le système politique colonial et patriarcal actuel. Certain·e·s diront que nous n’avons pas fait de grands acquis sur le plan politique. Cependant, il y a eu des conséquences et des réalisations considérables.
En fait, je garderai espoir dans l’avenir des peuples autochtones tant que je verrai la jeunesse mobilisée. Dans le contexte d’Idle No More, une action frappante de la jeunesse autochtone est celle des marcheurs Nishiyuu, ces jeunes Cris qui ont parcouru plus de 1 000 kilomètres de Whapmagoostui à la Baie-James jusqu’à la colline parlementaire à Ottawa. Des centaines de marcheuses et de marcheurs se sont joints et des milliers de gens les ont accueillis lors de leur arrivée à Ottawa. Je suis aussi particulièrement fière d’avoir été invitée à parler du mouvement et de ses mobilisations lors du dernier Forum jeunesse des Premières Nations du Québec et du Labrador en août 2013. Le désir de la jeunesse autochtone de s’engager et d’être un moteur de changement dans leur communauté était palpable. Une jeune femme m’a confiée qu’Idle No More l’avait inspirée et motivée à reprendre ses études afin de pouvoir entraîner des changements positifs au sein de sa communauté.
Une visibilité accrue
Idle No More a aussi grandement favorisé le dialogue entre Autochtones et non-Autochtones. Grâce à ce dialogue, le mouvement a récolté moult appuis et reconnaissances. Et ce qui garantit sa longue durée, c’est la curiosité qu’il a suscitée et son implantation graduelle dans la conscience collective. En effet, il semble que les questions autochtones soient revenues à l’ordre du jour dans différentes sphères du monde militant et communautaire. Au Québec, plusieurs groupes de défense des droits de la personne, des groupes environnementaux et des groupes de femmes ont affiché leur solidarité envers la cause ainsi que leur désir de collaborer d’égal à égal avec les peuples autochtones.
Nous avons aussi accompli beaucoup en matière de visibilité. Bien que l’intérêt des médias de masse envers le mouvement ait chuté, il reste que certains ont pris l’initiative d’inclure davantage l’actualité autochtone dans leur programmation. Pensons notamment à la CBC qui a créé un volet spécifique de nouvelles autochtones sur son site Web. Lors de son lancement, la directrice de la programmation, Fiona Conway, affirmait que cette initiative se faisait dans le cadre du premier anniversaire du mouvement Idle No More [1].
Celui-ci est donc toujours présent, mais beaucoup de travail reste à faire sur le plan politique. Le gouvernement Harper continue de proposer et d’adopter des projets de loi qui ne respectent aucunement les droits et les revendications des peuples autochtones. Pensons notamment à la Loi sur l’éducation des Premières Nations qui ne prend pas en compte la revendication des peuples autochtones d’avoir le contrôle de leur éducation. Les enjeux sont nombreux et complexes. La lutte est loin d’être terminée.
Par contre, la sensibilisation, la mobilisation et la solidarité sont bien amorcées. Et j’ai espoir que cette lutte – qui au fond est une continuité des luttes entamées bien avant Idle No More, et qui continuera bien après qu’on l’aura dénommée « Idle No More » – contribuera graduellement à la décolonisation de notre société, et que l’on cheminera au-delà des alliances circonstancielles pour en arriver à une société égalitaire, dans laquelle les points de vue et le pouvoir des peuples autochtones seront considérés au même niveau que ceux de la société dominante.