Gaétan Breton
Faire payer les pauvres. Éléments pour une fiscalité progressiste
lu par Claude Rioux
Gaétan Breton, Faire payer les pauvres. Éléments pour une fiscalité progressiste, Lux éditeur, coll. « Futur proche », Montréal, 2005
De ce livre foisonnant d’idées neuves et de démonstrations magistrales sur les liens entre justice sociale et fiscalité, s’il ne fallait que retenir deux éléments pour en faire une courte recension, on pourait dire :
Primo, quand les « élites » font le bilan, au sens comptable du terme, de la province de Québec (ou de tout autre État), elles ne parlent que du passif, i.e. de la dette. Comme si tout l’argent dépensé depuis quarante ans par ces odieux baby-boomers pour les services publics et les infrastructures collectives avait eu comme seul résultat le gonflement de la dette. Ah mais, et les actifs, messieurs ? Avant de se plaindre d’avoir un bilan désastreux, il faudrait peut-être prendre en compte, disons : combien de centaines de garderies, de centaines d’hôpitaux, de CLSC, de centres d’hébergement et de soins ? De milliers d’écoles ? Une douzaine d’universités ; des centaines de milliers de kilomètres de routes et d’autoroutes, des milliers d’équipements sportifs, des salles de concert, des musées, etc. Trop compliqué, on dirait. À moins qu’on ne veuille pas savoir ?
Secundo, nous l’a-t-on assez dit : quand il y aura plus de p’tits vieux que de jeunes au travail, ce sera la fin du monde et le système de santé public disparaîtra. Ça serait vrai (et encore) si la productivité, au cours des vingt-cinq dernières années, n’avait pas augmenté de manière exponentielle. Il y a déjà un bon moment que ce n’est plus le nombre de personnes au travail qui détermine la quantité de richesse produite (on produit plus, même en multipliant le nombre de chômeurs). Cependant, qui a empoché les gains de productivité ? Certainement pas les salariées, qui ont vu leur revenu stagner ou même diminuer. L’État, par le biais des impôts ? Non plus, car la part des revenus fiscaux reposant sur le capital et la machinerie n’a cessé de baisser tandis que l’essentiel de la taxation des entreprises repose sur la masse salariale qui, elle, se réduit comme peau de chagrin. Bref, ce sont les patrons et les actionnaires qui ont empoché le magot. Contrairement à ce qui se passait il y a trente ans, aujourd’hui une personne ou plutôt une machine au travail pourrait en « entretenir » une douzaine à la retraite. À condition, bien entendu, que le régime fiscal fasse profiter la collectivité de la richesse créée par les extraordinaires gains de productivité. D’où ces « éléments pour une fiscalité progressiste ».