Danemark. Vivre en commun

No 082 - janvier 2020

International

Danemark. Vivre en commun

Philippe de Grosbois

Le quartier de Christiania est un district semi-indépendant, anarchiste et contre-culturel de Copenhague où vivent quelques centaines de résident·e·s. Fondé en 1971 sur un terrain anciennement utilisé par l’armée, il comprend aujourd’hui plusieurs maisons et commerces – incluant la vente de cannabis et de haschisch, ce qui attire nombre de touristes, faisant ainsi ombrage à l’expérience de vie communautaire et démocratique que tentent les personnes qui y vivent.

Christiania n’est pas la seule expérience de vie collective alternative au Danemark. Près de la ville d’Odense, on en trouve une autre, plus petite et discrète mais non moins fascinante : Solens Hjerte (« cœur du soleil »). Sur un terrain un peu éloigné du centre de la ville se trouvent quatre magnifiques demeures où vit une communauté d’une quarantaine de personnes.

Le projet a été mis en place sur le site d’une ancienne pépinière. En 1994, un groupe de 22 personnes attachées au mode de vie hippie a acheté l’édifice et le terrain pour ensuite s’étendre quelque peu au fil du temps. Oubliez cependant les clichés seventies : la communauté est très organisée et les bâtiments sont en excellente condition. Il y a de nombreux groupes de travail, un peu comme on voit dans une coopérative d’habitation au Québec : jardin, entretien des immeubles, administration, etc. On y produit un miel qui a été récipiendaire d’un prix mondial en 2017 ; on y trouve aussi deux chevaux, une superbe véranda équipée d’un poêle à bois, des autos en partage, une salle de méditation et de projections de films.

Devant des lieux en si bonne condition, on se prend à supposer que les revenus des résident·e·s sont plus élevés que la moyenne, mais il semble que ce ne soit pas le cas. Comme pour les coopératives d’habitation, la collectivisation de certaines dépenses permet de réduire les coûts, à la différence ici que beaucoup plus de dépenses sont mises en commun : logement, mobilier et appareils ménagers, voitures, alimentation, etc.

Quelques chambres sont réservées à des personnes de passage, simples couchsurfers ou d’autres désirant séjourner un peu plus longtemps pour se ressourcer. L’endroit se présente en effet comme un lieu où il est possible d’entretenir un rapport convivial au monde et nourri notamment – mais non exclusivement – par la spiritualité bouddhiste.

Beaucoup de personnes qui y vivent sont dans la quarantaine ou la cinquantaine, mais il y a aussi des couples dans la trentaine, deux jeunes enfants et une personne à l’âge vénérable de 91 ans. Plusieurs des personnes fondatrices y sont toujours, y compris les enfants d’alors, maintenant à l’âge adulte. Ils y ont parfois grandi en partageant leur chambre entre enfants de parents différents. De fait, le lieu nous invite à suspendre notre définition de la famille : si les chambres sont privées, les autres lieux sont occupés par toute la communauté et les repas sont généralement pris en groupe. Cet effacement des frontières habituelles ne se rend cependant pas jusqu’au couple : pas de polyamour sur les lieux, ce qui nous éloigne également des stéréotypes qui s’accrochent aux communes hippies.

Un tel quotidien ne plairait certainement pas à tout le monde. Le repli dans sa bulle privée et intime est certes lié à notre mode de vie individualiste et consommatoire, mais il a aussi un côté agréable qu’on ne souhaite pas nécessairement abandonner d’emblée. Néanmoins, de telles sorties du cadre méritent certainement d’être célébrées et mieux connues pour qu’on puisse s’en inspirer. 

Pour en savoir davantage sur les lieux, on peut visiter le site solenshjerte.dk (anglais et danois).

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