Sale argent- Petit traité d’économie à l’intention des détracteurs du capitalisme

No 046 - oct. / nov. 2012

Joseph Heath

Sale argent- Petit traité d’économie à l’intention des détracteurs du capitalisme

François Doyon

Sale argent- Petit traité d’économie à l’intention des détracteurs du capitalisme, Joseph Heath, Montréal, Éditions logiques, 2009

Saviez-vous que les fumeurs, que l’on accuse souvent d’être un fardeau inutile pour le système de santé, font, en raison de leur espérance de vie réduite, épargner de l’argent au gouvernement ? Vouloir que les fumeurs- euses paient davantage leurs soins de santé en raison de leur vice est un exemple de ce que Joseph Heath, professeur de philosophie à l’Université de Toronto, appelle le sophisme « calculez les coûts, oubliez les bénéfices ». C’est avec des exemples de ce genre que Sale argent montre que les débats actuels entre la gauche et la droite s’appuient trop souvent sur des fondements théoriques erronés, sinon sur l’ignorance pure et simple de la réalité. « Quiconque espère contribuer à l’avènement d’un monde meilleur, affirme Joseph Heath, doit impérativement comprendre ces erreurs et travailler à leur élimination. » Pour ce faire, l’auteur démasque six sophismes de la droite et six sophismes de la gauche.
La lecture de ce livre nous fait prendre conscience que les phénomènes économiques constituent un système global d’une extraordinaire complexité. Il faut être capable de prendre suffisamment de recul et le considérer dans sa totalité pour évaluer de façon rigoureuse les effets des politiques économiques. À défaut de bien saisir le fonctionnement réel du système économique dans lequel nous vivons, ce que l’on croit être une mesure bénéfique peut souvent conduire au contraire de l’effet recherché. Ceux qui justifient l’abolition des programmes sociaux destinés aux pauvres en disant que les programmes d’assurances publiques nuisent à l’économie en déresponsabilisant les individus ne se rendent pas compte à quel point la survie et la stabilité du système capitaliste dépendent de l’intervention gouvernementale : l’assurance dépôt et la protection de la loi sur les faillites d’entreprises sont littéralement des « programmes sociaux destinés aux capitalistes  ». Et lorsqu’on souhaite que le prix de certains biens soit fixé par l’État pour qu’il soit plus juste – comme l’avait proposé jadis Jack Layton pour l’essence – on ne voit pas que maintenir le prix d’un bien artificiellement bas, c’est subventionner les riches et ainsi gaspiller de l’argent qui devrait être redistribué plus efficacement aux plus démunis.
Malgré une apparence de neutralité, Joseph Heath m’a semblé tendre plus vers la droite que vers la gauche, car il ne pense pas que le système capitaliste puisse être remplacé, mais qu’il peut seulement être amélioré. Cela dit, ce livre va assurément choquer tant les gens de droite que de gauche. Que l’on soit d’accord ou non avec les analyses de Heath, elles sont toujours rigoureusement référencées et ont l’insigne mérite de nous laisser entrevoir l’immense complexité du système économique dans lequel nous sommes tous pris. Voilà donc un livre qui pourrait faire des débats publics sur l’économie politique autre chose qu’un vain étalage d’ignorance.

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