Regards croisés sur le système (…)

Un système public de santé

Pourquoi s’en priver ?

par Marie Pelchat

Marie Pelchat

Le rapport Ménard pave la voie à une rupture sociale. En effet, si les jeunes n’ont plus à payer pour les services de santé des vieux, pourquoi les vieux paieraient-ils alors des impôts pour financer les garderies et des taxes scolaires pour financer le système d’éducation ? Dans la même veine, pourquoi financer des services publics quand les groupes communautaires ou d’économie sociale peuvent prendre le relais à rabais ?

Les groupes communautaires sont nés de la volonté des citoyens et des citoyennes de s’organiser, de se faire entendre. En proposant de harnacher le secteur communautaire au réseau, le rapport Ménard entérine une volonté déjà présente dans la politique de l’action communautaire : faire en sorte que les groupes répondent aux besoins… du gouvernement. C’est un détournement de mandat, un bâillonnement d’organisations citoyennes, lesquelles auraient probablement trop à dire sur les projets gouvernementaux, d’où l’intérêt de les intégrer en partie. Il importe que les membres des groupes, trop souvent marginalisés, disent non haut et fort. Déjà, les reculs démocratiques ont été trop nombreux depuis une décennie [1].

Pour l’économie sociale, le rapport Ménard propose d’élargir le mandat des entreprises d’économie sociale aux soins aux personnes, notamment par le biais de la caisse-vieillesse ou de l’hébergement. Dans Pointe St-Charles et ailleurs au Québec, la majorité de la population n’a pas les moyens de se payer une heure de service d’aide domestique par semaine sur une base régulière. Il serait donc illusoire de penser que le développement de l’économie sociale est une voie acceptable. Par ailleurs, fragmenter l’offre de services entre les différents acteurs compromet l’approche multidisciplinaire qui traduisait avec force notre volonté collective de développer une vision sociale de la santé.

Rien n’oblige les groupes communautaires et les entreprises d’économie sociale à assurer à tous les citoyens de toutes les régions du Québec un accès aux mêmes services. Seul l’État est tenu de garantir des services à tous et à toutes. Renoncer à cela, c’est ouvrir une boîte de Pandore. Les groupes communautaires et les entreprises d’économie sociale ne doivent pas être ceux qui tracent les ornières dans lesquelles le privé s’engagera à la première occasion.

Comme peuple québécois, nous devons conserver notre capacité à choisir que les services sociaux et de santé ne soient pas régis par les règles du marché. Nous devons réaffirmer qu’il ne saurait être possible de respecter les droits fondamentaux des personnes sans leur assurer les conditions nécessaires à l’exercice de ces droits, notamment un système public fort. Nous devons aujourd’hui rejeter le projet médico-comptable que nous propose le rapport Ménard et remettre de l’avant le projet social de santé.


[1[NDLR] Sur les relations entre le secteur communautaire et l’État : Marc-André Houle, « Splendeurs et misères de l’autonomie », Dossier Mouvement communautaire, À bâbord !, no. 10, Été 2005, pp. 16-17. Sur les enjeux de l’instrumentalisation du secteur communautaire : Pierre Riley, « L’action bénévole dans la mire du gouvernement » (p. 19) et Robert Théoret, « Santé et services sociaux : de l’autonomie à la sous-traitance » (p. 20), dans le même dossier.

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