Le Québec en quête de laïcité
Pour une fonction publique vraiment neutre
Soulignant l’attachement de la majorité de la population au principe de laïcité, le Conseil du statut de la femme a recommandé au gouvernement d’affirmer la neutralité de l’État en interdisant au personnel de la fonction publique d’arborer des signes religieux ostentatoires dans l’exercice de ses fonctions.
En septembre 2007, le Conseil du statut de la femme a remis au gouvernement un avis sur le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et la liberté de religion, convaincu qu’il était nécessaire, dans le contexte actuel, de réaffirmer les valeurs communes qui façonnent l’identité québécoise. Ces valeurs sont : le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du fait français et la séparation entre l’État et la religion. Ces trois valeurs sont devenues les marqueurs de l’identité collective du Québec, ce que l’avis démontre clairement.
Au cœur de son avis, le Conseil développe et défend la position suivant laquelle le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes doit être respecté en toutes circonstances et qu’il faut se garder d’y porter atteinte au nom de la liberté de conscience et de religion.
Le Québec se présente comme une société ouverte et pluraliste, faisant une large place à l’immigration. Le modèle d’intégration des personnes immigrantes qu’on y poursuit, désigné comme interculturel, donne à l’État le rôle de protéger l’héritage identitaire de la société en incorporant l’apport des cultures étrangères au projet citoyen. Il est donc du ressort de l’État d’affirmer les valeurs collectives qui peuvent circonscrire certains droits individuels.
Depuis le milieu des années 1990 et dans une mesure croissante aujourd’hui, les institutions publiques sont confrontées à des demandes d’accommodement ou d’aménagement formulées au nom de la liberté de religion, demandes qui, sans être importantes en nombre, frappent l’imaginaire collectif en contredisant les valeurs reconnues par la majorité. Qu’il s’agisse de la possibilité pour une femme de voter à visage couvert, du remplacement par un homme d’une femme examinatrice à la Société d’assurance automobile du Québec, d’une directive demandant aux femmes policières de céder leur place à un collègue masculin ou d’une autre demandant de faire givrer les fenêtres d’un centre d’entraînement pour femmes, c’est le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes qui est le plus souvent remis en question par ces demandes. C’est pourquoi le Conseil a tenu à inviter l’État à faire preuve de vigilance pour préserver les assises des valeurs fondatrices du Québec dans la réponse qu’il apporte aux demandes d’accommodement.
Dans son avis, le Conseil du statut de la femme recommande notamment au gouvernement d’exiger la neutralité religieuse des agentes et agents de l’État, tant dans leur discours que dans leur tenue vestimentaire. Cette recommandation signifie que le personnel de l’État devrait s’abstenir d’arborer des symboles religieux ostentatoires dans l’exercice de ses fonctions. L’interdiction qui leur serait faite ne doit pas être confondue avec celle concernant le port de signes religieux par les élèves des écoles ou par les membres de la société civile.
Pour le Conseil, il est nécessaire de poursuivre le processus de laïcisation de l’État. Fruit de luttes historiques menées dans le Québec moderne, ce processus a commencé à se concrétiser il y a une dizaine d’années, avec le remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. Il a franchi un pas décisif en septembre 2008, avec la disparition de l’enseignement religieux des programmes d’enseignement primaire et secondaire. Mais, contrairement à la France ou aux États-Unis, le Québec ne dispose pas d’une longue tradition de laïcité. La laïcité qu’on y observe est encore fragile : elle doit être affirmée constamment par les principaux acteurs de la société, au premier chef l’État.
La séparation des pouvoirs religieux et politique paraît essentielle au Conseil
parce qu’indissociable de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec les féministes, le Conseil a déjà critiqué le sexisme des institutions religieuses catholiques. Il rejette de la même façon le sexisme et le paternalisme qui s’expriment dans d’autres religions.
Finalement, le Conseil soutient que, pour reconnaître l’égalité des sexes et la liberté de conscience et de religion dans le Québec d’aujourd’hui, l’État se doit d’être neutre, son rôle étant d’agir pour garantir et assurer le respect des valeurs communes tout en respectant les droits et libertés de chacun. L’interdiction pour les fonctionnaires de l’État de porter des signes religieux ostentatoires s’inscrirait clairement dans cette ligne.