Le Québec en quête de la laïcité
Croyez-le ou non, au Canada ... Dieu est ton droit !
(Version courte)
Au sortir du Moyen Àge, en Occident, un nouveau monde voit le jour. Ce nouveau monde va donner lieu, petit à petit, à un effritement du pouvoir et de l’influence de la religion dans les différentes sphères de la vie publique. C’est ainsi que certains États constituants vont inscrire dans la loi fondamentale de leur pays une nette séparation de l’Église et de l’État. La religion va devenir une affaire privée. Trois petites questions toutes simples se posent ici : qu’en est-il au Canada ? Existe-t-il ici une franche séparation entre la religion et l’État ? Que prévoit la Charte canadienne des droits et libertés à ce sujet ? Croyez-le ou non, au Canada… Dieu est ton droit ! Voici pourquoi il en est ainsi.
L’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés est précédé d’un attendu qui se lit comme suit : « Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit […] ». Vous avez bien lu, « la suprématie de Dieu » est inscrite noir sur blanc en tout premier lieu dans la loi fondamentale du Canada, elle apparaît juste avant « la primauté du droit ». À l’alinéa 2. a), il est précisé que « Chacun a les libertés fondamentales suivantes : liberté de conscience et de religion. » L’article 15. (1) précise que « la loi ne fait exception de personne et s’applique également à tous, […] indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur […] la religion […] ». Considérons aussi que l’article 27 stipule que la Charte doit s’interpréter de manière à préserver et à valoriser le patrimoine multiculturel des Canadiens. La suprématie de Dieu mise en relation avec la liberté religieuse, le droit à l’égalité et la promotion du multiculturalisme constituent rien de moins que la porte d’entrée au déisme dans les affaires de l’État au Canada.
Ainsi, il est erroné de postuler que le Canada est un pays laïque et neutre sur le plan religieux. En effet, un petit détour du côté de la Charte et de certains jugements de la Cour suprême du Canada (pensons ici aux décisions relatives au port du turban pour les agents sikhs de la GRC et au port du kirpan par un élève dans une école d’une commission scolaire au Québec) nous démontre le contraire.
Concluons donc que le chemin à franchir pour faire accéder pleinement le Canada à la modernité laïque est encore bien long. Il en sera ainsi, tant et aussi longtemps que Dieu – et non la laïcité et la séparation de l’Église et de l’État – sera enchâssé dans la Charte. Il en sera de même tant et aussi longtemps que la majorité des juges n’auront pas pour modèle d’inspiration l’ex-juge de la Cour suprême du Canada, madame Claire L’Heureux-Dubé, qui a reconnu ce principe.