Une nouvelle centrale étudiante

No 032 - déc. 2009 / jan. 2010

La Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ)

Une nouvelle centrale étudiante

Alexandre Leduc

La fin d’un monde bipolaire

À l’été 2009, une nouvelle association nationale apparaissait dans le paysage associatif étudiant. Rappelons qu’au centre de l’échiquier politique du mouvement logent depuis 20 ans les fédérations collégiale et universitaire (FECQ et FEUQ) et que l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) défend depuis 10 ans les couleurs de la gauche. Des associations locales, considérées comme « modérées » [1], se sont désaffiliées ces dernières années de la FEUQ, jugée trop corporatiste et centralisatrice. Cependant, l’ASSÉ représente une alternative trop radicale pour ces associations « modérées ». Il est vrai que la gratuité scolaire et le syndicalisme de combat ne constituent définitivement pas un consensus idéologique par les temps qui courent.

L’idée de créer une 3e voix, mitoyenne entre les fédérations et l’ASSÉ, est donc un fantasme des « modérées » qui ne date pas d’hier. Les tentatives précédentes ayant toutes échoué lamentablement, la création récente de la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ) ne constitue rien de moins qu’un défi lancé à l’histoire. Pour réaliser ce défi, les militantes de la TaCEQ ont décidé de s’éloigner sensiblement du modèle syndical traditionnel du mouvement étudiant. En effet, la TaCEQ est assez originale dans la mesure où elle s’est dotée d’un exécutif composé de seulement deux officiers et qu’elle ne demande pas de cotisation à ses associations membres. En ce sens, la TaCEQ ressemble plus à une coalition permanente qu’à un véritable syndicat étudiant national. Néanmoins, elle est, depuis sa naissance, très active au plan politique et elle organise des campagnes sur les grands sujets de l’heure en éducation.

La suite des choses…

L’apparition récente de la TaCEQ risque d’avoir un impact géopolitique important dans le mouvement étudiant. En effet, alors qu’une majorité d’associations collégiales sont indépendantes et que les puissantes associations facultaires de l’UQAM se questionnent plus que jamais sur leur avenir national, une croissance rapide est possible pour la TaCEQ. Nous pouvons toutefois nous demander si elle ne se fera pas aux dépens de la gauche étudiante organisée au sein de l’ASSÉ. Il faut cependant spécifier que, en dehors de quelques modules de sciences humaines, l’ASSÉ n’a jamais réussi à percer en milieu universitaire.

Concrètement, un ralliement des associations facultaires de l’UQAM à la TaCEQ neutraliserait définitivement un potentiel retour de la FEUQ à l’Université du peuple. En revanche, leur entrée coordonnée à l’ASSÉ aurait un effet vivifiant pour cette centrale étudiante qui travaille fort pour dépasser les 40 000 membres, ce que certains considèrent comme son seuil limite de croissance. Un tel ralliement des associations de l’UQAM permettrait finalement de consolider la gratuité scolaire et le syndicalisme de combat comme pôle idéologique.

Dans les années 1970 et 1980, la gauche avait rallié le centre gauche dans l’ANEQ. Les années 1990 ont vu le centre gauche se rallier à la FEUQ/FECQ, à l’époque plutôt réactionnaire. Depuis 2005, le centre gauche étudiant quitte massivement les fédérations, mais hésite à se rallier à l’ASSÉ. Est-ce qu’une division structurelle, et néanmoins diplomatique, entre la gauche (ASSÉ) et le centre gauche (TaCEQ) pourrait donner des résultats aussi intéressants que lors des belles années de l’ANEQ ? Cela permettrait-il de solidifier suffisamment le mouvement étudiant pour gagner la 2e manche de la bataille des hausses de frais de scolarité prévue d’ici 2012 ? Nous le souhaitons.


[1Nous parlons ici des associations étudiantes de McGill, Laval, des cycles supérieurs de Sherbrooke et de la faculté de science de l’UQAM.

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