Politique
ONG et minières canadiennes
Douteux partenariat
Avec la sortie de Trou Story, on peut espérer une nouvelle prise de conscience sur le rôle de l’industrie minière dans la société québécoise et canadienne. Dans une perspective historique, le film jette un regard sur l’exploitation des ressources naturelles aux mains de compagnies étrangères, les dizaines de milliers de mineurs qui ont péri avant que les conditions de travail ne s’améliorent et les répercussions sur les écosystèmes qui font en sorte que des générations futures devront payer pour les dommages causés.
Trou Story amène de l’eau au moulin dans un dossier qui mérite de s’élargir et de s’approfondir.
Aujourd’hui, les minières sont aux quatre coins de la planète et le gouvernement conservateur est un fervent supporteur de l’industrie. Il a déjà proposé plusieurs initiatives favorables aux minières : nouveaux partenariats tripartites entre l’Agence canadienne de développement international (ACDI), des organisations de développement international et des minières, en plus d’un nouvel institut pour les industries extractives et le développement. Le tout financé par le gouvernement.
Si l’industrie minière a changé son fusil d’épaule, la nature profonde de l’industrie demeure. C’est encore une industrie qui fonctionne grâce au capital de risque des Bourses de Toronto et de Vancouver, c’est une industrie qui est de nature polluante et qui est impliquée dans des fraudes, des conflits et des assassinats.
L’opération réussie du « greenwashing » de l’industrie
Avec la mondialisation, les minières canadiennes ont découvert de nouveaux gisements ailleurs dans le monde.
Au début des années 1990, l’Association minière canadienne (AMC) s’inquiète d’une chute marquée de l’investissement dans le secteur. Une enquête indique clairement le problème : le public ne fait plus confiance aux compagnies minières, pas même les investisseurs. L’AMC réagit en décidant de se lancer dans une campagne sur trois fronts qui amènera des gains inattendus. Ses buts : gagner l’appui du public, des ONG et du gouvernement.
Pour gagner ses critiques, au cours des années 1990 et 2000, de multiples rencontres sont organisées, notamment l’Initiative de Devonshire qui réunit des ONG et des compagnies minières. Une dizaine d’ONG y participent, et même si l’initiative n’a mené à aucun consensus, ce qui a suivi est une prise de position du gouvernement conservateur pour de nouveaux partenariats entre des minières et des ONG sous les auspices de l’ACDI. En somme, une nouvelle branche de partenariat public-privé d’aide au développement.
Une nouvelle aide au développement en partenariat avec les minières
Maintenant que les conservateurs règnent en maîtres au parlement, Harper a développé une politique étrangère harmonisée, basée sur l’approche 3D : diplomatie, développement et défense. Et ce sont les minières qui semblent servir de fer de lance de notre présence à l’étranger.
Cette nouvelle « vision » de l’aide considère que les minières sont dorénavant des corporations socialement responsables et donc dignes de confiance. Les nouveaux partenariats de l’ACDI en matière de développement ont été annoncés assez discrètement dans un communiqué de la ministre du Développement international, Bev Oda, le 29 septembre dernier en fin de journée.
Cette annonce présentait officiellement pour la première fois des projets de développement où des ONG, l’ACDI et des minières travaillent ensemble comme partenaires. Les ONG concernées sont Plan Canada, Vision Mondiale et l’Entraide universitaire mondiale du Canada, qui sont respectivement en partenariat avec IamGold, Barrick Gold et Rio Tinto. Selon Oda, la réduction de la pauvreté dans le monde va de pair avec la présence des minières.
Quoique ce ne soient pas les premières, ni les seules, initiatives de collaboration entre des ONG et des minières, la nouvelle annonce montre la réorientation de l’aide au développement et le changement d’image que l’industrie minière a réussi à opérer, tel qu’elle l’avait planifié au début des années 1990.
Quelle éthique pour les ONG ?
Les ONG qui sont partenaires avec des compagnies minières, et la plupart du temps dans des communautés affectées par celles-ci, se sont-elles posé des questions d’ordre éthique ? Comment réagir lorsque des coopérants sur le terrain seront perçus comme étant envoyés par les minières ? On en déduit que les ONG seront soumises à leurs partenaires richissimes et ne prendront pas de parti pour des populations locales.
Au Burkina-Faso, là où IamGold opère une mine et un partenariat de 5,5 millions avec Plan Canada (probablement le plus grand partenariat de ce genre à voir le jour au Canada), un conflit avec les travailleurs de la mine a résulté en sa fermeture temporaire alors que le président de la minière déclarait que sa compagnie ne tolérerait pas de « grève illégale ». Pour sa part, le nouveau partenaire de Vision Mondiale, Barrick Gold, qui a récemment réglé hors cour sa poursuite contre la publication de Noir Canada chez Écosociété, a fait l’objet de nombreux rapports d’ONG sur ses agissements en Afrique. Les choses ne vont guère mieux pour l’Entraide universitaire mondiale du Canada qui a un partenariat avec Rio Tinto : récemment une cour américaine a autorisé la poursuite des accusations de génocide provenant de résidants de l’île de Bougainville en Papouasie Nouvelle-Guinée contre Rio Tinto.
Parions que ces partenariats amèneront un développement proprement canadien dans le monde…