Campus MIL
« Montréal, Innovation et Laboratoire » ou « Minimum d’Implication Locale » ?
À propos l’article « Nouveau Campus MIL – Un campus « vert » au coeur de la ville », d’Annick Poitras (Le Devoir, 28 février 2018)
Un article récemment paru dans un cahier spécial du Devoir, présentant le projet du nouveau campus MIL de l’Université de Montréal, ignore complètement les besoins de la population de Parc-Extension, quartier où il sera établi.
Le campus MIL (Milieu ou Montréal, Innovation et Laboratoire) se situe au coeur d’un ensemble de quartiers : Rosemont-Petite Patrie, Outremont, Mont-Royal et Parc-Extension. Pour mener à bien sa mission sociale, le pavillon des sciences souhaite créer « des liens forts avec les gens et le milieu » qui l’entourent. Par exemple, on projette d’offrir des activités pour les populations avoisinantes : cabane à sucre, observations des étoiles, etc.
On y fait aussi la promotion du développement durable et à cette enseigne, rien n’est laissé au hasard, de la décontamination des sols à la certification LEED. Sur 60 000 mètres carrés des bâtiments, on a veillé à tout : éclairage, aération, espaces de stationnement réduits et stationnement de vélos. Le pavillon sera irréprochable à ce chapitre.
L’article ne parle toutefois pas des coûts du projet.
Parc-Extension, l’un des voisins du campus MIL, est un quartier qui connaît un taux de chômage atteignant le double de la moyenne à Montréal et le triple pour ce qui concerne les minorités visibles du quartier. On y compte le taux le plus élevé de travailleurs qui vivent sous le seuil de pauvreté sur l’Île de Montréal (4 sur 10). Et, triste statistique nationale, Parc-Extension est l’un des quartiers les plus pauvres au pays.
Pour cette population, on aurait espéré que l’arrivée du nouveau campus agisse en tant que vecteur d’émancipation économique. Il se présente d’avantage comme un agent d’appauvrissement en raison de l’embourgeoisement et de ses lourdes conséquences sur l’augmentation des loyers et la spéculation immobilière. Désormais, c’est l’exode forcé des résident.e.s, qu’il convient de craindre.
Un comité ad hoc de résident.e.s, formé dans Parc-Extension, s’est pourtant réuni avec les responsables du projet pour discuter d’aménagements possibles dans l’arrimage de ces deux communautés, celle de l’Université et celle d’un quartier qu’elle jouxte. Quatre propositions avaient émané de cette rencontre. Ces quatre propositions visaient à favoriser l’implantation du campus dans le milieu de vie que représente Parc-Extension :
– Octroyer des bourses d’études dans des programmes de l’Université de Montréal à des résident.e.s de Parc-Extension ;
– Réserver des espaces sur le campus pour que des commerçants de Parc-Extension puissent venir y faire des affaires (cafés, centre de photocopie…) ;
– Fournir des ressources pour soutenir une clinique de médecine et de pédagogie sociale déjà implantée dans le quartier ;
– Créer un programme de formation et d’emploi adapté aux particularités de Parc-Extension offrant des cours de langue et de la formation pour des emplois qui seraient offerts sur le campus.
Dans l’article dont il est question ici, et qui prend toutes les apparences d’un publi-reportage, on ne voit pas la moindre de ces propositions apparaître. Or, les besoins de la population de Parc-Extension ne peuvent se satisfaire de cabanes à sucre urbaines ni de l’observation d’étoiles par ciel dégagé. Préoccupée par des nécessités vitales, cette population aurait préféré des gestes plus concrets. Et en dépit des efforts de parade pour se connecter avec son environnement, « MIL » pourrait bien plutôt valoir pour : « Minimum d’Implication Locale ».
En définitive, les résident.e.s de Parc-Extension, soucieux du bien-être de leur communauté et de l’amélioration de leur qualité de vie et de logement, se demandent à quoi il servira au campus d’être « vert » s’il fait de l’ombre à son voisinage.