Nouveaux arguments

No 010 - été 2005

Institut d’études anarchistes

Nouveaux arguments

Par Louis-Frédéric Gaudet

Louis-Frédéric Gaudet

L’influence de l’anarchisme dans les récentes vagues de mobilisations sociales au Québec et à travers le monde ne fait aucun doute. Au cœur des luttes pour la justice sociale résonnent de nouveaux arguments pour la liberté, l’autonomie, la démocratie directe et l’égalité. Portrait d’une initiative qui met l’épaule à la roue en créant des espaces propices au développement d’une culture intellectuelle publique libertaire : l’Institut d’Études Anarchistes (IAS).

« L’idée est de travailler à la création d’un forum pour échanger des idées qui ne sont pas soutenues par les milieux traditionnels, d’autant plus que le contexte politique nord-américain laisse de moins en moins de place pour une critique radicale des structures de domination qui organisent notre monde » affirme d’emblée Andrea Schmidt, militante basée à Montréal et membre du conseil d’administration de l’IAS. Fondé en 1996, l’Institut a depuis mis sur pied un programme de bourses de recherches, une revue de débats et d’analyses théoriques et parraine l’événement Renewing the Anarchist Tradition qui se déroule à chaque automne au Vermont. Alors que la poignée de militantes ayant lancé cette initiative se questionnait, au départ, sur la pertinence du développement de la théorie anarchiste, les débats suivent aujourd’hui leur cours à savoir comment l’anarchisme peut éviter les pièges de l’abstraction et contribuer aux luttes de nos mouvements.

Au cœur de la réalisation de la mission de l’IAS se trouve le cycle biannuel d’octroi de bourses de recherche. On a voulu créer un programme de bourses, bien que modeste, afin d’accorder un soutien aux chercheures, militantes et traducteurvs qui oeuvrent pour le développement et la publication de critiques antiautoritaires des structures sociales dominantes. Depuis sa création, l’Institut a financé plus de cinquante projets en provenance d’Allemagne, Afrique du Sud, Argentine, Canada, Chili, Irlande, Nigeria et bien sûr des États-Unis. À titre d’exemple, l’IAS vient de financer un projet de recherche sur les analyses politiques libertaires de Ba Jin, une figure centrale de la littérature chinoise du 20e siècle, et une anthologie sur l’influence politique de l’anarchisme sur la résistance des communautés de couleur. Bien que les projets doivent être soumis en anglais, ils peuvent être réalisés dans une autre langue.

Le programme de bourses devrait prendre une nouvelle tournure dès le prochain concours (date limite : 15 juin 2005) avec une emphase particulière sur des projets prenant la forme d’articles et d’essais. Selon Andrea Schmidt, « cette modification au programme de bourses de l’IAS devrait rejoindre plus de gens et permettre d’élargir les débats à des thèmes importants qui se doivent d’être explorés à partir d’un point de vue antiautoritaire dans un avenir rapproché. »

La nouvelle formule du programme devrait également comprendre la publication des articles dans Perspectives on Anarchist Theory, la revue de l’IAS. De bulletin qu’il était à la fondation de l’Institut, Perspectives a peu à peu élargi son format pour incorporer articles et analyses. On perçoit clairement dans les pages de la revue le désir d’engager les diverses tendances regroupées sous l’étiquette anarchiste dans de nouveaux débats et questionnements susceptibles de surpasser les divergences de point de vue qui se sont installées au fil des ans. Perspectives a récemment pris un nouvel essor avec l’incorporation d’une section dédiée aux recensions de livres, autrefois publiées par la revue The New Formulation.

C’est également dans cette perspective d’élargissement des débats que l’IAS parraine l’organisation de la conférence Renewing the Anarchist Tradition qui se déroule à Plainfield, au Vermont, et qui en sera à sa cinquième édition les 23, 24 et 25 septembre 2005. Encore cette année, la conférence devrait permettre à plus de deux cents chercheures, étudiantes et militantes d’explorer mutuellement le sens donné à la tradition anarchiste et développer sa réactualisation. Alors que l’anarchisme tend de plus en plus à s’imposer comme objet d’étude dans le milieu de la recherche académique, cette conférence permet plutôt les échanges directs au sujet de nouvelles analyses théoriques et de conjoncture susceptibles d’enrichir le militantisme et les théories libertaires.

En ces temps de transformations globales, l’anarchisme se développe à la fois comme un cadre d’analyse pluriel et dynamique. L’Institut d’Études Anarchistes souhaite œuvrer pour la transmission de cet héritage tout en explorant et débattant des contradictions qui en émanent. Il en va de l’acuité des critiques des formes d’oppression contemporaines mais surtout de l’articulation avec ces fameuses transformations radicales, dressant les bases d’une société libre, mises de l’avant dans les luttes sociales. €

Le site de l’Institut d’études anarchistes

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème