Développement immobilier à Montréal
Plus le Plateau est IN plus les locataires sont OUT
par Simon Dumais
Sur le front de lutte pour le droit au logement, les locataires et les mal-logées du Grand Plateau sont véritablement frappés par plusieurs aspects de la crise du logement et subissent les conséquences négatives du type de développement : la gentrification. Pour remédier à la situation, les groupes du quartier œuvrant dans le domaine de l’habitation ont développé la lutte pour le logement social avec des moyens d’action non seulement traditionnels mais aussi originaux.
Depuis 1999, le coût du loyer a augmenté d’environ 30 %. Il arrive fréquemment que les locataires subissent des augmentations de 30 $, 50 $ ou plus par mois. Dans le quartier, il n’est pas rare d’observer des logements à 1 200 $ ou même 1 500 $ par mois.
Pour les locataires, il est de plus en plus difficile de payer le logement. Selon le recensement de Statistique Canada de 2000, environ 5 ménages locataires sur 10 (20 771) consacrent le quart de leurs revenus à se loger. De ce nombre, 4 ménages locataires sur 10 déboursent le tiers et 9 060 , soit 21 %, engloutissent plus de la moitié de leurs revenus pour se loger. Cela devient de plus en plus intolérable lorsque les mal-logées doivent choisir entre payer le loyer, la bouffe ou les médicaments.
Le contexte profite aux propriétaires, qu’ils soient occupants ou possédant plusieurs logements (pour ne nommer que COGIR : cette entreprise possède plus de 1 000 logements à Montréal). Il se génère plus de 30 millions de dollars sur le territoire du Grand Plateau.
En lien avec la problématique des hausses de loyers, plus de 500 ménages (selon les données du Comité Logement du Plateau Mont-Royal) ont subi une reprise du logement au cours des quatre dernières années. Tout comme les hausses de loyers, cette tendance lourde s’inscrit dans le type de développement résidentiel sur le Grand Plateau. Les propriétaires chassent des locataires à faible et modeste revenu pour les remplacer par des locataires à revenu moyen ou élevé.
Cette pratique s’inscrit dans le processus de gentrification que subit le Plateau depuis plusieurs années, notamment par la construction de condos. Si on veut apprécier la taille actuelle du parc de condos dans le Grand Plateau, il est à noter que sur un total de 18 361 immeubles résidentiels que compte l’arrondissement, en 2004, les condos totalisent 8 000 immeubles, soit 44 % de l’ensemble. Et la tendance à construire toujours plus de condos ne semble pas s’inverser. Sur un total de 507 mises en chantier d’immeubles résidentiels dans le Plateau, pour la période 2000-2002, 498 étaient pour des condos.
Pour lutter contre ce type de développement, les locataires n’ont pas le choix de passer à l’offensive. En effet, une trentaine de militantes ont fait signer une pétition réclamant la construction d’au moins 500 logements sociaux à plus de 10 000 personnes en quelques jours à peine. L’automne prochain, les locataires et les organismes communautaires du Grand Plateau érigeront un camp de requérantes de logement social pour mettre en lumière non seulement les besoins mais également la situation de la crise.
Bien que modestes, les moyens d’actions ne visent qu’à atténuer les conséquences d’une crise beaucoup plus profonde. En effet, la gentrification du quartier avec ses conséquences ne peut être « stoppée » que si l’ensemble des locataires et des intervenantes communautaires mènent une lutte sans merci contre la construction de condos et identifient le marché privé et l’État comme les responsables de cette situation. Mais cette lutte doit également impliquer tous les quartiers et les groupes de locataires de Montréal qui sont visés par ce développement.
En effet, une lutte pour la défense des droits des locataires pour le logement social ne peut faire l’économie d’une lutte anti-gentrification partout à Montréal.