Présentation du dossier
Le mouvement communautaire autonome
Que ce soit dans des domaines aussi divers que celui de la santé, de l’environnement, des communications ou des loisirs ; que ce soit auprès des jeunes, des femmes, des personnes immigrantes ou des locataires, plusieurs milliers d’organismes communautaires au Québec œuvrent sur une base quotidienne à tenter d’améliorer la qualité de vie des populations souvent les plus défavorisées et/ou discriminées. Chacun selon sa mission, ces organismes travaillent à la réalisation de leurs objectifs dans un cadre, formellement du moins, autonome et démocratique.
Comités de citoyens, groupes populaires ou organismes d’action communautaire autonome, les expressions n’ont pas manqué pour désigner cette nébuleuse d’initiatives populaires qui a surgi au Québec à partir de 1960. Malgré cette hétérogénéité d’expériences et de dénominations, on peut quand même relever des traits communs significatifs. Il s’agit, d’abord et avant tout, d’organismes basés sur la participation volontaire des citoyennes et citoyens, ayant comme objectif des activités solidaires ou de défense des droits et qui sont autonomes de l’État. Cette autonomie dérive du fait que les organisations populaires reçoivent leur mandat de leurs membres, issus de la communauté, et qu’ils sont redevables envers ceux-ci de leurs actions. La question reste de savoir comment, au quotidien, cette autonomie se concrétise.
En effet, malgré l’importance prise par les activités du mouvement populaire et communautaire dans la société québécoise et malgré une certaine reconnaissance officielle auprès de l’État, rien n’est définitivement acquis pour le mouvement. Ainsi, le processus de restructuration dans le domaine de la santé et des services sociaux impulsé par le gouvernement libéral de Jean Charest, élu en avril 2003, crée de nombreuses incertitudes : quelle sera la place réelle de l’action communautaire autonome dans le réseau des affaires sociales et de la santé qui se voit, une fois de plus, réformé ? Les problèmes financiers qui étranglent bien des groupes seront-ils enfin résolus par un financement récurrent et adéquat ?
Ces interrogations nous ont amenées à tenter d’esquisser un portrait de la situation actuelle des groupes populaires et communautaires au Québec. Étant donné l’espace restreint de ce dossier, nous n’avons pu que procéder à un survol (bien tracé par Jean-Yves Joannette, militant de longue date du mouvement), nous intéressant à la question des rapports – toujours problématiques – avec l’État (Marc-André Houle) ; aux enjeux actuels dans le secteur de la santé et des services sociaux (Robert Théoret) ; au statut incertain de l’action bénévole (Pierre Riley) ; à la possible réforme du droit associatif qui remet en question les bases et les valeurs du mouvement associatif québécois (Daniel Lamoureux) ainsi qu’à l’état des lieux dans le secteur du logement sur le Plateau Mont-Royal (Simon Dumais). Enfin, Normand Baillargeon consacre sa chronique sur l’éducation à Paolo Freire, pédagogue brésilien ayant inspiré de nombreux organismes d’éducation populaire.