Présentation du dossier du #33
Nos services publics - Un trésor collectif en péril
Les services publics sont sans aucun doute l’une des plus belles réalisations de l’espèce humaine. Conçus selon un principe essentiel de solidarité, ils nous permettent de vivre dans un monde plus équitable et préoccupé de justice sociale. Leur organisation nécessite un partage de la richesse et une prise en main collective des secteurs fondamentaux que sont, entre autres, la santé, l’éducation, la culture et la fonction publique. De bons services publics traitent toute la population également, peu importe la couleur de la peau des individus, leurs revenus, la religion qu’ils pratiquent (ou ne pratiquent pas) ou leur lieu de résidence. Ils incarnent un principe fondamental, selon lequel le bien public ne doit pas se marchander.
Or, c’est justement à ces services publics, qui n’ont jamais cessé de prouver leur nécessité et dont on a essayé de réduire l’efficacité, qu’on cherche à s’en prendre aujourd’hui. Parce que, pour l’entreprise privée, ces services publics dont la population a besoin, deviennent d’innombrables « opportunités d’affaires », permettent « d’avoir accès à de nouveaux marchés » et se transforment en poule aux œufs d’or.
La privatisation toujours plus grande de la prestation des services du réseau de la santé, de l’éducation, de l’eau, de nombreux secteurs de la fonction publique fait saliver les gens d’affaires. La course aux appels d’offres, réalisés ou non dans le cadre des marchés publics, nous a montré que toutes les manigances et tricheries sont possibles pour décrocher le gros lot. Le transfert de la prestation des services publics, du secteur public vers le secteur privé, ou encore leur privatisation à divers degrés sont aussi
un appel indirect à la corruption.
On cherche à affamer les services publics sous le prétexte que l’« état des finances publiques » ne permet plus de conserver ce trésor collectif. Pourtant, en temps de crise, ils se révèlent encore plus nécessaires. Personne n’est dupe : derrière les coupes progressives dont ils sont victimes et la propagande en faveur d’un secteur privé nécessairement plus efficace se cache la volonté des entreprises privées de s’approprier un marché énorme. Et cela, aux dépens de la majorité des citoyens et citoyennes, qui doivent payer plus cher les services, alors que s’installe un système à deux vitesses où les riches profitent de services de meilleure qualité.
C’est contre cette logique perverse que s’élèvent les auteurs de ce dossier. Le sort des services publics et des travailleurs et travailleuses qui les rendent ne doit pas dépendre des aléas de l’économie, mais être lié à un véritable choix de société. Étant nécessaires, il faut les valoriser, les financer adéquatement par une fiscalité plus juste et progressive. Il faut certes corriger leurs défauts de fonctionnement, mais non les éliminer, et ce, dans le respect de la démocratie. Il faut aussi les retirer de la sphère marchande, les protéger comme un bien public indispensable.
Sans prétendre être exhaustif, le présent dossier aborde les différents problèmes auxquels sont confrontés les services publics : les PPP, l’expansion des accords commerciaux internationaux et nationaux, la tarification, les déficiences de la fiscalité, les interventions toujours plus grandes du philanthrocapitalisme. Ensuite, les progrès de la privatisation et ses effets insidieux sont examinés dans différents secteurs : la santé,
l’éducation, la culture et la fonction publique. Le dénominateur commun de tous ces textes, écrits par des auteurs de différents horizons : un cri d’alarme devant la perte de droits sociaux, d’acquis précieux qui sont le résultat d’importants et difficiles combats menés par la collectivité québécoise depuis plus d’un siècle.
Les pages qui suivent appellent donc non seulement à un sauvetage des services publics, mais aussi à leur développement et à leur émancipation, dans un esprit démocratique, parce que –faut-il le répéter ?–ils sont plus que jamais indispensables à la construction d’un monde plus juste et égalitaire.