Présentation du dossier du no 55
La retraite : un enjeu crucial de justice sociale
Entre 2023 et 2029, l’âge officiel de la retraite au Canada passera graduellement de 65 à 67 ans. Annoncée en 2012 par le gouvernement fédéral, cette décision fera surtout du mal à des personnes qui n’ont que bien peu de fonds de retraite et n’ont rien d’autre que les régimes gouvernementaux. Elle s’en prend à des personnes qui, souvent, ont exercé des métiers difficiles ou ingrats. Elle n’est pourtant qu’un nouvel épisode du véritable assaut contre les régimes de retraite lancé depuis plusieurs années par ceux que le père de l’économie politique, Adam Smith, appelait déjà les Maîtres.
En un sens, cet assaut signe une nouvelle fois la faillite du système économique qui est le nôtre, du mode de coopération (ou plutôt : de non- coopération) sociale et de partage des bénéfices qui le caractérisent. Il signifie en effet qu’après des décennies de croissance ininterrompue ayant outrageusement enrichi une infime minorité de gens, nous ne sommes plus en mesure d’assurer à chacun et chacune une retraite décente. Pire : nous ne serions même plus capables de maintenir des mesures mises en place au début de ces décennies de croissance et nous devrions donc, une fois de plus, selon un vieux scénario usé qui ne devrait plus surprendre personne mais qui devrait indigner tout le monde, nous en prendre aux plus démuni·e·s pour équilibrer les comptes.
Mais que faire en attendant que cette conclusion soit tirée et que ce qui s’ensuit soit décidé ?
Nous pensons pour notre part à À bâbord ! que le dossier de la retraite, lieu privilégié où se décide, sur fond de solidarité intergénérationnelle, le mode de coopération sociale et de partage de ses bénéfices que nous préconisons, est d’une cruciale importance politique, économique et humaine.
Nous pensons aussi, sans affirmer que tout soit rose, qu’il circule à ce propos des mensonges et des approximations qu’il faut absolument dénoncer en remettant les pendules à l’heure.
Nous pensons enfin, contre ce fatalisme savamment entretenu par les maîtres et leurs ténors, qu’il y a beaucoup à faire, non seulement pour lutter contre le démantèlement du droit à une retraite digne de ce nom, mais aussi pour imaginer des avenues d’action qui garantiront durablement ce droit à tous et à toutes.
Le dossier que nous vous proposons cette fois, issu d’un colloque tenu en avril 2014 sous le titre « L’assaut contre les retraites : comprendre, agir », veut montrer que nous avons de bonnes raisons de penser tout cela.
Il vous propose pour commencer une salutaire mise en contexte de cette idée de retraite et de son importance (Ianik Marcil, Frédéric Hanin), ainsi qu’un état des lieux et un bilan de santé de nos régimes (Michel Lizée).
Il vous suggère ensuite des pistes d’action permettant : de comprendre pourquoi il est crucial de préserver les régimes publics existants (Ruth Rose) ; de créer de nouveaux régimes de retraite (Marie Leahey) ; et de penser plus largement qu’en termes strictement financiers à la retraite (Jean Carette). Il avance même la proposition originale de créer un fonds patrimonial pour la retraite (Réjean Dumais).
Je me risque d’autant moins à résumer ces interventions que le « grand témoin » du colloque, le romancier mais aussi spécialiste de ces questions Jean-Jacques Pelletier, le fait merveilleusement. Je me contenterai donc de lui donner le mot de la fin avant de vous souhaiter bonne lecture : « Que l’ensemble de ces questions [débattues au colloque] fasse de plus en plus partie du débat public, écrit-il, est une excellente nouvelle. Les chances de guérison du patient « retraite » s’en trouvent améliorées – d’autant plus que des initiatives commencent à apparaître, pour prolonger dans l’action les solutions discutées. »
La revue À bâbord ! est très heureuse de participer, comme c’est son rôle, à cet indispensable débat public.