La défense des régimes publics
Les régimes publics - déjà sous attaque
Dossier : L’assaut contre les retraites
Les régimes publics que nous connaissons aujourd’hui ont été créés autour de 1966. Après une période de consolidation qui a duré dix ans et qui correspond à la fin de la période des Trente Glorieuses (1945-1975), ils ont subi une série de compressions.
En 1976, la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et le Supplément de revenu garanti (SRG) pour une personne seule représentaient 34 % du PIB par habitant, soit 20 % pour la PSV et 14 % pour le SRG. En 2011, les deux ne représentaient plus que 28 %, dont seulement 12 % pour la PSV. Publié en avril 2013, le rapport Innover pour pérenniser le système de retraite (rapport D’Amours) prévoit que les deux continueront de se détériorer relativement à la richesse nationale. De plus, le gouvernement Harper a annoncé qu’à partir de 2023, l’âge pour accéder à ces deux programmes augmentera de 65 à 67 ans.
Le fait que le Régime des rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada (RRQ/RPC) ne remplacent que 25 % du revenu antérieur et que le maximum des gains admissibles est plutôt faible constituent la principale explication de l’appauvrissement d’une grande partie de la classe moyenne à la retraite. Ainsi, le maximum qu’une personne seule dont le salaire moyen de carrière a été égal au salaire industriel moyen (52 500 $ en 2014) pourra recevoir des trois régimes publics est de 21 205 $, soit 40 % de son revenu d’avant la retraite.
Entre 1966 et 1994, le RRQ et le RPC ont connu quelques bonifications, notamment pour les femmes, mais en 1998 de nouvelles mesures ont fait diminuer l’ensemble des rentes. Une nouvelle réduction de la rente prendra effet progressivement entre 2014 et 2016 pour les personnes qui la demandent avant 65 ans. Depuis 1987, le taux de cotisation n’a cessé d’augmenter et à partir de 2012, un écart se creuse par rapport au RPC dans le restant du Canada.
L’importance des régimes publics pour les femmes
Le revenu des femmes de 65 ans et plus ne représente en moyenne que 59 % de celui des hommes. Plus de la moitié de leur revenu provient des régimes publics comparativement au tiers pour les hommes. En 2011, 52 % des femmes étaient assez pauvres pour recevoir le Supplément de revenu garanti, alors que cette situation ne concernait que 42 % des hommes.
Les femmes continuent d’assumer la plus grande part du travail domestique et de subir une discrimination sur le marché du travail en ce qui concerne l’accès aux emplois les mieux rémunérés et la sous-évaluation des emplois typiquement féminins. Une projection faite par l’auteure à partir des statistiques du RRQ laisse prévoir que dans 40 ans, les jeunes femmes d’aujourd’hui recevront du RRQ toujours 20 % de moins que les hommes.
Néanmoins, il y a dans le RRQ trois mesures qui compensent partiellement les revenus d’emploi plus faibles des femmes : les rentes de conjoint survivant, une table qui, malgré la plus grande longévité des femmes, calcule la rente sur une base unisexe, et la possibilité d’exclure dans le calcul de la rente les années où une femme (exceptionnellement un homme) avait la charge d’un enfant de moins de 7 ans. Les régimes à prestations déterminées offrent une partie de ces éléments, mais les régimes à cotisation déterminée et l’épargne individuelle renforcent la discrimination à l’égard des femmes.
Une campagne pour une amélioration des régimes publics
Le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) chapeautent une campagne pour doubler le taux de remplacement du RRQ/RPC, accroître le SRG de 15 % et revenir sur la décision d’augmenter l’âge d’obtention de la PSV et du SRG à 67 ans. La FTQ demande également d’augmenter le maximum des gains admissibles à 69 000 $ (en $ de 2014) et l’exemption de base de 3 500 $ à 7 000 $.Selon cette proposition, l’augmentation du taux de remplacement du RRQ/RPC sera pleinement capitalisée, ce qui veut dire qu’elle entrerait en vigueur sur une période de 40 à 47 ans. Dans ce cas, une hausse du taux de cotisation de seulement 6 % (3 % salarié et 3% employeur) sera requise.
À la dernière rencontre des ministres des Finances fédéral et provinciaux en 2013, les provinces se sont mises d’accord pour une amélioration du RRQ/RPC. L’hypothèse étudiée est celle du « 10-10-10 » : une augmentation de 10 % du taux de remplacement et de 10 000 $ du maximum des gains admissibles avec entrée en vigueur sur une période de 10 ans. Le ministre fédéral des Finances de l’époque, Jim Flaherty, y a opposé son veto, invoquant la faiblesse économique. Toutefois, une étude interne au ministère affirme que l’économie canadienne est tout à fait capable de soutenir une telle bonification.