Pour les salariéEs des secteurs public et parapublic
Le temps est venu de réclamer... leur dû
Nos services publics - Un trésor collectif en péril
À lire certains éditorialistes ou chroniqueurs de la presse écrite, la présente conjoncture n’annonce a priori rien qui vaille la peine pour les salariées des secteurs public et parapublic au Québec. Les Sansfaçon, Dubuc et Girard, nous informent que les perspectives de récoltes sur le plan salarial, en cette période dite trouble pour les finances publiques, s’avèrent inexistantes. Des hausses faméliques, pour ne pas dire complètement et largement en deçà de l’inflation, sont à envisager selon ces mauvais oracles.
Il ne faut donc pas compter sur un rattrapage salarial ni espérer une meilleure protection du pouvoir d’achat. La récente récession devient le prétexte pour ne rien accorder. Les négociations dans le secteur public s’annoncent particulièrement difficiles et il est à craindre que le gouvernement soit tenté de les régler par un oukase, c’est-à-dire un décret gouvernemental imposé unilatéralement. Ces négociations relèvent pourtant d’un droit démocratique assuré par une protection constitutionnelle. Il faut maintenant en examiner les perspectives dans les secteurs public et parapublic, afin d’en déterminer clairement les enjeux.
Premier temps : les travailleurs contre l’État
Rappelons que c’est à la suite d’une lutte syndicale importante que les personnes oeuvrant dans les secteurs public et parapublic obtiennent, en 1964-1965, un régime de négociation qui leur permet l’exercice d’un droit fondamental dans une société libre : le droit de grève. À l’occasion de la négociation de 1968, les acteurs syndicaux s’étaient présentés en rangs dispersés. Le gouvernement a eu beau jeu pour imposer sa politique salariale. Un seul groupe a été en mesure de pulvériser le cadre de la politique de rémunération du gouvernement (celui des employées d’hôpitaux et des infirmières membres de la Fédération nationale des services CSN). De ce face-à-face avec l’État-employeur, certains dirigeants syndicaux sont furieux de savoir que le gouvernement a refusé, à toutes fins utiles, de négocier sa politique de rémunération. À l’époque, il n’existait même pas de table centrale pour traiter des hausses de salaires, des vacances et autres sujets apparentés au « monétaire lourd ».
Pendant la ronde de 1971-1972, le président de la CSN, Marcel Pepin, a été en mesure de mettre sur pied un projet déjà éprouvé lors des négociations dans le secteur de la construction : un Front commun intersyndical regroupant les membres des secteurs public et parapublic affiliés à la CSN, à la FTQ et à la CEQ. À la suite de cette négociation, qui a donné lieu à un affrontement social inédit (dont les moments forts sont une grève générale dans les secteurs public et parapublic, puis l’emprisonnement du président de chacune des trois centrales, suivi d’une grève générale des secteurs public, parapublic et privé, avec occupation de certaines radios et de quelques villes), les syndiquées ont obtenu une victoire et les représentants du gouvernement ont dû capituler devant plusieurs revendications du Front commun, dont celle dont on a beaucoup parlé d’un salaire de 100 $ par semaine.
Deuxième temps : l’État contre les travailleurs
2009-2010 : nous en sommes au 17e face-à-face entre les deux principaux protagonistes des négociations dans ce secteur qui embauche maintenant plus d’un demi-million de salariées. Lors de la ronde de négociations précédente (2003-2005), le gouvernement n’aurait même pas consacré plus de deux heures à la table centrale pour discuter avec ses vis-à-vis syndicaux des conditions de rémunération pour ses salariées. Du début à la fin, sans broncher, il a maintenu la même offre monétaire : 8 % d’augmentation pour une durée de plus de six ans et six mois ou 12,6 % d’augmentation au total en incluant la question de l’équité salariale. Dans les faits, depuis 2001, les salariées du gouvernement du Québec ont vu leur rémunération progresser moins rapidement que ceux du secteur privé. Pire encore, en pleine période dite de prospérité économique, les salariées de l’État ont encaissé, en 2004 et en 2005, un gel des salaires.
Depuis 1979, les salariées des secteurs public et parapublic ont vu les différents gouvernements qui se sont succédés à Québec s’attaquer à leur pouvoir d’achat. C’est plus souvent qu’autrement à coups de lois spéciales (pensons à la dramatique négociation de 1982-1983) ou de menaces de recourir à des lois spéciales que se sont déroulées ces négociations entre le gouvernement du Québec et les organisations syndicales qui représentent des salariéEs œuvrant dans des secteurs fondamentaux de notre économie. Dans ce contexte, où l’État ne s’est pas gêné pour imposer à l’occasion unilatéralement ses vues à ses salariéEs, notons qu’il n’y a jamais eu l’adoption de deux décrets consécutifs fixant autoritairement les conditions de travail et de rémunération.
Troisième temps : État de droit ou dirigisme étatique ?
Au Canada, depuis 2007, il est reconnu que la liberté d’association en matière de droit syndical inclut également l’exercice du droit à la négociation. Il s’agit là d’une question qui concerne, selon les juges de la Cour suprême du Canada, « (l)a dignité humaine, l’égalité, la liberté, le respect de l’autonomie de la personne et la mise en valeur de la démocratie » (paragraphe 81, Health Services and Support, CSC). Inviter le gouvernement à faire fi des droits des salariées des secteurs public et parapublic (comme le souhaitent à ce moment-ci certains idéologues actifs dans les médias d’information), c’est lui demander d’agir non pas selon les standards de l’État de droit, mais bien plutôt selon une logique qui relève du dirigisme étatique propre aux politiciens autoritaires rustres.
Dans la présente conjoncture, les porte-parole du gouvernement et les fabricants d’opinion publique accentuent la pression sur le mouvement syndical en vue de discréditer (encore une fois) les revendications légitimes des syndiquées qui n’ont pas négocié leurs conditions de travail et de rémunération depuis bientôt quasiment un septennat. Il ne faut pas se laisser berner par la voix des sirènes ministérielles en vertu desquelles il n’y aurait plus un sou de disponible pour des hausses de rémunération dans les coffres de l’État. S’il en est ainsi, c’est uniquement en raison du fait que le gouvernement a décidé de se priver de revenus pour financer correctement les coûts de ses services.
D’ici la conclusion de la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic, les salariées doivent montrer une solide adhésion aux revendications et une forte mobilisation. Ils doivent, comme ce fut le cas en 1971-1972, rester unis et très déterminés à obtenir ce qui leur revient de droit. Dans ce décor, le gouvernement n’aura pas le choix d’y songer à deux fois avant de refuser de participer pleinement au processus de la négociation.
Crise budgétaire ou non, pour les salariées des secteurs public et parapublic le temps est réellement venu de réclamer… leur dû.