La globalisation du monde et le déclin du réformisme social

No 007 - déc. 2004 / jan. 2005

Gary Teeple

La globalisation du monde et le déclin du réformisme social

lu par Christian Brouillard

Christian Brouillard

Gary Teeple, La globalisation du monde et le déclin du réformisme social, Presses Université Laval, Québec, 2004.

Feu le réformisme

Pour comprendre la logique profonde des politiques néolibérales, il ne s’agit pas de s’arrêter uniquement sur l’aspect strictement idéologique de celles-ci. Loin d’être des lubies ou des accidents de parcours, elles constituent une facette d’un processus beaucoup plus large, celui de la globalisation du capitalisme, processus qu’il s’agit de mieux cerner. C’est ce que Gary Teeple, enseignant à l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique, a tenté de faire dans son ouvrage La globalisation du monde et le déclin du réformisme social.

Remontant aux conditions qui ont favorisé l’émergence de l’État-providence, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, l’auteur démontre que les réformes qui ont permis, dans une certaine mesure, une amélioration des conditions de vie des classes populaires dans les pays développés, étaient le fruit de luttes acharnées qui ont abouti à un compromis entre le capital et le travail. Ce compromis, géré par les États-nations, était bénéfique, en bout de ligne, pour le capital car il a amené une croissance continue de la production durant la période qu’on a appelée les « Trente glorieuses » (1945-1975). Par ailleurs, certaines couches des salariés, encadrées par les syndicats et par les partis politiques sociaux-démocrates, récoltaient certains avantages au niveau des politiques sociales, des salaires ou des conditions de travail. Au plan politique, le réformisme social, c’est-à-dire la vision selon laquelle le capitalisme pouvait être changé par une addition de réformes, a triomphé, marginalisant ainsi les mouvements plus radicaux. Cependant, la condition, bien fragile, que le réformisme social puisse perdurer était que le compromis entre capital et travail ne soit pas remis en cause.

Or, ce compromis s’est érodé au moment où les entreprises ont connu une croissance qui a débordé de plus en plus les simples frontières des États-nations, aboutissant à la création de vastes entités économiques, les transnationales. Cette croissance a été accélérée grâce à l’introduction des nouvelles technologies de communication qui ont facilité le contrôle par les transnationales des processus de production à l’échelle de la planète. Dans ce contexte, les politiques néolibérales apparaissent alors comme la traduction des exigences imposées par ces nouvelles formes de production et par le marché mondialisé. En bref, les programmes néo-libéraux « traduisent une volonté consciente de supprimer toute intervention des États nationaux dans les sphères de la reproduction sociale ». À partir de ce moment, l’économique supplante le politique et le capital n’a plus besoin de passer un compromis avec les différentes classes ouvrières nationales.

Pour Teeple, ce processus de transformation est si profond qu’on ne peut espérer le renverser simplement en élisant des partis dont le discours prône d’autres valeurs. Ce pessimisme de l’auteur vient du fait que pour lui, les résistances locales, régionales ou nationales ne font guère le poids face au capitalisme transnational. Il s’agit de créer des formes de résistances qui soient planétaires. Malheureusement, Teeple évacue assez vite, dans le dernier chapitre de l’ouvrage, cette question, nous laissant dans un « flou » théorique et pratique. Malgré cette lacune, sans doute compréhensible chez quelqu’un qui ne désire pas « faire bouillir les marmites de l’avenir », les analyses de Gary Teeple sont intéressantes au niveau des remises en question qu’il opère sur bien des lieux communs de la gauche. Un exercice salutaire !

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