No 007 - déc. 2004 / jan. 2005

Les Verts ne sont pas mûrs

par Pierre Mouterde

Pierre Mouterde

S’il y a un courant politique nouveau dont on s’attendrait à ce qu’il puisse rompre avec les pratiques des politiciens traditionnels, c’est bien celui des écologistes et des Verts.

Ce courant n’incarne-t-il pas pour beaucoup de citoyens – loin des querelles souvent byzantines de la classe politique – la possibilité de « faire de la politique autrement », en tous les cas de faire apparaître des problèmes essentiels, généralement oubliés par les élites au pouvoir ? Ne nous oblige-t-il pas à nous arrêter à une question décisive : si l’on veut, comme espèce humaine, continuer à vivre, ne faut-il pas – en cette période de néolibéralisme débridé – tout faire pour protéger un environnement partout menacé sur la planète ? Il faut non seulement en appeler – comme bien des vieux partis – à la justice sociale ou au respect des droits de la personne, mais aussi au respect de la nature, à la protection des ressources qu’elle nous prodigue et sans lesquelles nous ne serions tout simplement plus rien.

C’est en ce sens que les Verts pourraient jouer un rôle fondamental dans la reconstruction d’un vaste mouvement sociopolitique d’opposition au néolibéralisme. Un mouvement capable de mettre un frein aux menées prédatrices des différents partis néolibéraux qui, au Québec comme ailleurs, continuent à saccager les forêts, à vouloir vendre l’eau comme une marchandise, à contaminer les terres agricoles, en somme à penser à une société où « la croissance économique à tout prix » ne serait plus le seul vade-mecum.

Quelle surprise, dès lors, que d’apprendre qu’au cours de son dernier congrès, le Parti Vert du Québec a refusé toute association avec un parti de gauche et plus encore tout processus d’exploration allant dans ce sens avec le mouvement Option citoyenne ? « Le Parti Vert ne gagne rien » à fusionner à un autre parti politique, a tranché son chef Richard Savignac. Il ne peut devenir une « plateforme environnementale ».

Quel drôle de raisonnement pour un parti qui reconnaît lui-même ne regrouper que 500 membres ? Comme s’il était impossible d’imaginer pour les dirigeants actuels des Verts du Québec d’autres politiques que celle de construire, dans leur coin, leur propre chapelle politique, en espérant secrètement profiter aux prochaines élections d’une vague de sympathie qui les mettrait sur la « map » électorale, mais sans souci des luttes sociales et écologistes qui se mènent pourtant juste à leurs côtés. Comme si les Verts n’avaient rien à voir avec ceux et celles qui luttent pour la justice sociale (à l’UFP, à Option citoyenne, etc.) et qui plus est, font du combat écologique une dimension essentielle de leur programme politique ! Comme si leur combat n’était pas fondamentalement le même ! Comme si, enfin, devant les attaques du gouvernement Charest (PPP sur l’eau, centrale du Suroît, etc.), on n’avait pas un besoin urgent de s’unir, de faire front commun ! Décidément, les démons du sectarisme n’ont pas fini de nous hanter. Et ce n’est qu’en y opposant l’idée d’un pluralisme, le plus large et le plus convivial possible, qu’on pourra en repousser tous les dangereux effets, qu’on pourra en somme se montrer capable de « faire de la politique autrement ».

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