Paul Gérin-Lajoie. Bâtisseur de l’éducation publique

No 076 - oct. / nov. 2018

Figures marquantes

Paul Gérin-Lajoie. Bâtisseur de l’éducation publique

Léa Fontaine

Premier titulaire du ministère de l’Éducation, porteur d’un modèle d’éducation accessible, gratuit et public, Paul Gérin-Lajoie est décédé en juin dernier à l’âge de 98 ans. C’est l’un des pères de la réforme du système éducatif québécois qui disparaît alors que de nombreuses questions se posent encore aujourd’hui sur cette mission fondamentale de l’État.

Avocat, fonctionnaire et homme politique [1], Paul Gérin-Lajoie a été député libéral de 1960 à 1969 et ministre de la Jeunesse de 1960 à 1964. En 1964, il refuse d’occuper le poste de ministre de la Justice pour s’engager pleinement dans le nouveau ministère de l’Éducation créé notamment à sa propre initiative et dans laquelle il s’investit corps et âme pendant deux ans.

Paul Gérin-Lajoie est l’un des maîtres d’œuvre du rapport Parent, soit le rapport final de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, fondée en 1961 et présidée par monseigneur Alphonse-Marie Parent. La commission part du constat qu’au début des années 1960, les Québécois·es sont les moins scolarisé·e·s de la population canadienne. À ce titre, seuls 13 % des étudiant·e·s québécois·es francophones terminent leur 11e année de scolarité. Pis encore, seulement 4 % d’entre eux et elles fréquentent l’université, alors que cette part s’élève à 11 % du côté anglophone. Le rapport comprend quelque 500 recommandations, dont certaines sont issues d’une réflexion menée depuis plusieurs décennies. Selon Normand Baillargeon, le travail de la commission « est unanimement reconnu comme un moment capital de la Révolution tranquille, un moment qui signe l’entrée dans la modernité de notre système d’éducation »  [2].

Après avoir milité en faveur du rapatriement des compétences en matière d’éducation des mains du législateur fédéral, Paul Gérin-Lajoie supprime les collèges classiques – réservés dans les faits à l’élite de l’époque – et crée un système éducatif gratuit et public. Le Québec voit ainsi naître les premières écoles maternelles, puis les polyvalentes, les collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps), le réseau de l’Université du Québec. Il impose la scolarisation jusqu’à l’âge de 16 ans. Le rapport prévoit également la gratuité des études préuniversitaires et le système de prêts et bourses facilitant l’accès aux études supérieures. Selon Guy Rocher, la carrière de Gérin-Lajoie a été orientée et s’est concentrée sur l’accès à l’éducation [3], à titre de membre de la commission Parent, mais aussi en qualité d’avocat dans le milieu de l’enseignement.

De plus, Paul Gérin-Lajoie a mis sur pied la Fondation Paul-Gérin-Lajoie, organisme philanthropique dans le domaine de la coopération internationale en 1977. Il est l’instigateur d’une fondation consacrée à la valorisation de l’éducation au Québec, mais aussi dans les pays en voie de développement – principalement le Bénin, la Guinée, le Mali, le Sénégal et Haïti – dans lesquels on développe l’éducation et l’alphabétisation des enfants.

Il est aussi le père de la doctrine portant son nom. Selon le ministre de l’Éducation, la vie sociale est touchée par tous les rapports interétatiques, raison pour laquelle, dans la fédération canadienne, il est devenu nécessaire que les provinces participent activement à l’élaboration de conventions internationales, notamment dans le domaine de l’éducation. En bref, cette doctrine constitue le fondement de la politique internationale du Québec, officialisée par l’adoption de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec en 2000.

Il est aussi le père de la doctrine portant son nom. Selon le ministre de l’Éducation, la vie sociale est touchée par tous les rapports interétatiques, raison pour laquelle, dans la fédération canadienne, il est devenu nécessaire que les provinces participent activement à l’élaboration de conventions internationales, notamment dans le domaine de l’éducation. En bref, cette doctrine constitue le fondement de la politique internationale du Québec, officialisée par l’adoption de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec en 2000.

En relativement peu de temps, Paul Gérin-Lajoie aura marqué durablement le système éducatif québécois et demeurera – espérons-le – une source d’inspiration pour s’attaquer aux défis colossaux qui nous attendent étant donné l’état actuel du réseau de l’éducation mis à mal par l’austérité néolibérale


[1Pour un résumé des fonctions occupées par Gérin-Lajoie, voir le site Web de l’Assemblée nationale.

[2Voir « Cégeps – 50 ans d’existence », À bâbord !, no 69 ; et Paul Gérin-Lajoie, Combats d’un révolutionnaire tranquille, Montréal, Centre Éducatif et Culturel, 1989.

[3Suzanne Colpron, « L’ancien ministre Paul Gérin-Lajoie est décédé », La Presse, 25 juin 2018.

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