Présentation du dossier du no. 37
Au travail ! - Organisation du travail et assujettissement
L’organisation du travail peut être étudiée de deux points de vue : la division du travail au sein de la société et son organisation au sein de chaque entreprise. La division sociale du travail se réfère au rapport de classes entre ceux qui possèdent ou contrôlent les entreprises et ceux qui y sont dominés et, selon le type d’entreprises, exploités. Yvan Perrier analyse les trois grandes phases de cette division au sein du capitalisme. Elle se réfère également au rapport entre genres que présente Karen Messing. L’organisation du travail au sein de l’entreprise montre comment s’y exerce concrètement la domination.
La majorité des textes de ce dossier cherchent à comprendre les transformations considérables de l’organisation du travail, encourues depuis les années 1970, qui ont modifié les formes de contrôle du travail (le toyotisme analysé par Jean-Noël Grenier et les vidéosurveillance et cybersurveillance par Nicolas Cléroux), désagrégé les rapports collectifs de travail (Sid Ahmed Soussi) et multiplié les formes de travail atypique (Jean Bernier et Lucie Mercier – Brigitte Doyon). Josée Lamoureux montre que la flexicurité pratiquée au Danemark est une fausse solution. Angelo Soares dénonce le fait que les nouveaux types d’organisation du travail ont favorisé le suicide de travailleurs déprimés. Enfin, sous un autre registre, Ting-Sheng Lin décrit comment la surexploitation d’une main-d’œuvre rurale, surtout féminine, permet à des entreprises installées en Chine d’offrir sur le marché occidental des produits de consommation à un faible prix.
L’organisation du travail est la vache sacrée des entrepreneurs. Au Québec et au Canada, tout ce qui n’est pas inclus dans la convention collective relève du droit de gérance. Et il est extrêmement difficile, mais non impossible, de négocier des clauses sur cette organisation, car elle est au fondement de la domination et de l’exploitation. Les entrepreneurs bien intentionnés acceptent de négocier les modalités de rémunération de la force de travail, mais se refusent la plupart du temps toute discussion approfondie sur l’organisation du travail. Or, la qualité des conditions de travail est intimement liée aux modes d’organisation. Les syndicats ne doivent cependant pas se résigner à cet état de fait, même si des transformations fondamentales des rapports de domination et d’exploitation relèvent du politique.