Présentation du dossier du no 63
À nous la ville !
Autocratie municipale et ripostes citoyennes
Les gouvernements municipaux sont à l’image de la politique à plus grande échelle. Ils en sont même parfois la caricature tristement grossie : faible participation électorale, assemblées dysfonctionnelles, recours au huis clos, budgets d’austérité, privatisation des services, tarification, discours anti-impôts, ligne dure envers les employé·e·s syndiqué·e·s, collusion, corruption, malversation, etc. La bonne foi voudrait que nous présentions les municipalités comme ces essentiels « gouvernements de proximité ». Mais de quelle « proximité » s’agit-il ? Celle des leviers les plus directs pour affirmer et concrétiser nos volontés démocratiques ou bien celle des effets les plus immédiats quant aux décisions prises ailleurs et sur lesquelles nous n’aurions plus aucun contrôle ?
Les textes rassemblés dans ce dossier posent un diagnostic double : d’une part, les villes tendent à devenir des machines de gouvernement autoritaire et, d’autre part, nombreuses sont les initiatives citoyennes qui résistent à cette tendance. Du premier aspect, on documente le fait que bien des gouvernements municipaux appliquent des décisions purement arbitraires. Dans les cas plus subtils, ils recourent aux « consultations publiques » pour faire avaliser des décisions souvent déjà prises ; dans les cas flagrants, ils gouvernent au mépris même de leur propre réglementation. Du second aspect, on apprend que la riposte citoyenne porte son action tantôt devant les tribunaux, tantôt dans la réappropriation des quelques espaces de participation et de délibération qui survivent ou qui sont créés par des citoyennes et citoyens contraint·e·s de devenir des contre-pouvoirs dans leur propre ville.
Les témoignages de ces contre-attaques citoyennes sont riches. Les tactiques varient également d’une région du Québec à l’autre : quelques personnes se regroupent, par exemple, autour d’une cause environnementale et brisent ainsi leur sentiment initial d’impuissance ; d’autres, encore plus organisées et fédérées, visent ni plus ni moins à remplacer le cynisme institutionnalisé par une véritable culture démocratique.
Opposer la démocratie à la corruption n’est pas une mince tâche. Si le municipal reste un levier important et un maillon essentiel dans l’élaboration de politiques publiques et économiques, c’est dire aussi qu’il est en proie aux mêmes intérêts dominants qui façonnent la politique nationale et internationale. À bien des égards, en effet, le gouvernement municipal se situe au bout d’une chaîne de commandement transnationale qui cherche à contourner la démocratie pour faire rentrer dans la gorge des citoyen·ne·s des décisions favorables à l’oligarchie économique. Bien des membres de la classe politique se prêtent à cette sale besogne et bien des mairesses et maires sont réduits à n’être que le bras politique de leur chambre de commerce. Cette dérive a assez duré. Il est temps de mettre les villes sous tutelle... citoyenne !