COP 21 à Paris. Un contre-sommet stimulant

No 063 - février / mars 2016

International

COP 21 à Paris. Un contre-sommet stimulant

Claude Vaillancourt

En décembre dernier, pendant la conférence des Nations unies sur le climat (COP21), se déroulait un sommet parallèle, d’allure très différente. Loin du Bourget, où se déroulaient les négociations, des militant·e·s de diverses origines ne se faisaient aucune illusion sur le résultat de la conférence. Les changements nécessaires ne proviendraient pas de chefs d’État, empêtrés dans des discussions qui n’aboutissent pas depuis des années, mais d’un vaste mouvement social qui ferait pression avec force et constance.

Le contre-sommet de la COP21 a eu lieu d’abord à Montreuil, une commune de la banlieue parisienne, puis dans un vaste centre culturel, le Centquatre, installé dans les anciennes pompes funèbres de Paris. On y tenait, parfois à la bonne franquette, des kiosques, des conférences, des évènements militants et culturels, dans l’esprit des forums sociaux.

Ce contre-sommet devait se dérouler entre deux grandes manifestations que l’on préparait depuis longtemps et qui auraient dû regrouper des centaines de milliers de personnes. Mais les attentats terroristes du 13 novembre, de même que l’état d’urgence imposé par le gouvernement français, ont rendu ces rassemblements irréalisables. De plus, la victoire du Front national au premier tour des élections régionales a largement détourné l’attention des enjeux climatiques. Il fallait observer l’ampleur de la couverture médiatique sur ce sujet pour comprendre que toute autre préoccupation était nécessairement reléguée à une place beaucoup plus modeste.

Un contexte difficile

C’est donc dans des circonstances peu favorables que se déroulait le contre-sommet. Les grandes manifestations ont été remplacées par des chaînes humaines, de la Place de la République à Nation, à l’ouverture de la conférence, puis au Champ-de-Mars, devant la tour Eiffel, lors de la dernière journée. Une importante action de désobéissance civile a aussi été organisée ce jour-là, aux Champs-Élysées, qui consistait à tracer, avec de longs rubans, les lignes rouges à ne pas franchir pour sauver notre planète du dérèglement climatique.

Le contre-sommet a aussi été marqué par une grande désillusion devant la possibilité que la COP21 aboutisse à un résultat satisfaisant. Le jeu de coulisses qui rassemblait des élu·e·s, des lobbyistes des compagnies transnationales et des représentant·e·s de grandes ONG ne pouvait qu’entraîner de décevants compromis qui se sont confirmés dans l’accord final : une coquille vide, de bonnes intentions, et rien pour leur donner un peu de chair. Des comptes-rendus quotidiens des négociations, livrés lors d’assemblées générales au Centquatre, qui ralliaient chaque fois plus de mille personnes, permettaient d’entrevoir la catastrophe annoncée : avec une pareille entente, il semble évident que la Terre continuera à se réchauffer dangereusement.

Le rassemblement des mouvements sociaux au contre-sommet devait permettre d’entrevoir un plan à long terme pour contrer la négli­gence des gouvernements. Des militant·e·s expérimentés se désolaient de certaines redites, du sentiment d’avoir toujours à tout recommencer, de la difficulté de sensibiliser des médias inattentifs, de reprendre sans cesse la même résistance. Pour d’autres, il s’agissait de mettre en place un mouvement nouveau, qui relie la problématique précise des changements climatiques à la nécessité d’entrevoir un changement de société beaucoup plus large, cette « transition énergétique », avec ses importantes conséquences, qui a servi de leitmotiv aux divers intervenant·e·s du contre-sommet.

Sans haine, sans arme, sans violence

Il est donc nécessaire de poursuivre l’élan du contre-sommet par d’autres rencontres internationales qui permettront de planifier des actions collectives. Si les luttes locales restent fondamentales, elles doivent aussi se lier à d’autres plus globales, alors que les effets du réchauffement climatique ne connaissent pas de frontières. Le prochain forum social mondial, qui aura lieu à Montréal en août prochain, a été considéré par plusieurs comme un rendez-vous nécessaire, un jalon à la construction de ce mouvement international.

En attendant, la militante et auteure Naomi Klein, omniprésente lors du contre-sommet, a donné un mot d’ordre. En faisant allusion au terme « blockadia », utilisé dans son dernier essai Tout peut changer, elle insistait sur la nécessité de prendre tous les moyens pour bloquer systématiquement les projets d’extraction de ressources fossiles. Ainsi, la résistance face à l’oléoduc qui ferait cheminer le pétrole des sables bitumineux en direction de l’Atlantique est vitale : il s’agit désormais de la seule porte de sortie pour ce pétrole sale. La fermer permettra de conserver ce pétrole au seul endroit qui lui convient, c’est-à-dire bien enfoui sous la terre.

Pendant le contre-sommet, on remarquait aussi la présence du groupe HK et les Saltimbanks, qui reprenait une chanson particulièrement appropriée : Sans haine, sans arme et sans violence. / De résistances en désobéissances. / C’est une évidence, nos vies n’ont plus aucun sens, / depuis que nos rêves sont indexés sur le prix de l’essence. Cette chanson exprimait le difficile programme de celles et ceux qui les écoutaient, ravis et revigorés.

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