Marie-Claire Blais
Passages américains
Passages américains, Marie-Claire Blais, Boréal, Montréal, 2012.
D’autant que son monde, justement, n’est pas précisément le Québec, qu’il se tient dans toute l’Amérique et souvent au-delà » (Lise Bissonnette, À bâbord !, no 44). Or nous voilà, avec Passages américains, dans un livre surprenant. D’une écriture directe, précise, à l’emporte-pièce, l’auteure nous transporte au cœur des évènements tragiques des années 1960 aux États-Unis.
John F. Kennedy, Malcom X, Martin Luther King et Robert Kennedy sont assassinés. Des étudiants·e·s protestant contre la guerre du Vietnam et scandant sur le campus de l’Université Kent « make love, not war » sont tués par la Garde nationale. Sans parler des nombreux meurtres de membres des Black Panthers par la police.
Passages américains comprend trois textes intenses : Lamentation pour un sénateur foudroyé, Désobéissance civile et Les étudiants martyrs de l’université Kent. Marie-Claire Blais s’inspire de la photo de Robert Kennedy étendu sur le plancher d’une cuisine d’hôtel, les bras en croix et l’œil s’éteignant lentement, pour nous faire revivre à travers les souvenirs imaginés par l’auteure les grands moments de la lutte pour l’égalité aux États-Unis. C’est tout le contexte politique de l’époque qu’on sent dans cette Lamentation sur la mort violente de ceux qui ont lutté pour l’égalité raciale : Kennedy, le Pasteur King et Malcom X. Comme dans toute Lamentation, style biblique, Robert Kennedy devient sous la plume de Marie-Claire Blais une figure sacrificielle de plus dans une Amérique en transformation profonde.
Le deuxième texte s’inspire d’un livre de Barbara Deming, Prisons that could not hold, qui raconte la Marche pour la paix et la liberté qui partit de Québec pour se rendre à Guantanamo en 1964. Rendu à Albany, des centaines d’arrestations. Les militantes et militants non violents emprisonnés firent grève de la faim.
Enfin, Passages américains se termine sur ce « beau jour de printemps » de 1970 où des étudiants·e·s sont tués sur le campus de Kent. Nixon attribuera ces faits à l’usage de la violence comme moyen d’expression ; aucun mot pour les victimes et leur famille ni sur le rôle de l’université.
Toute Lamentation se conclut sur une note d’espoir. Barbara Deming, féministe et amie de l’auteure, pensait que « les manifestants marchent tous vers la lumière, car un jour, elle le sait, la ségrégation raciale sera abolie ». Les évènements récents aux USA entourant l’affaire Trayvon Martin montrent que nous ne sommes pas au bout de nos peines.