Éditorial du no 51
Élections municipales
En kiosque le 11 octobre
Le 3 novembre prochain, des élections sont prévues dans toutes les municipalités du Québec. Règle générale, le taux de participation à ce type d’exercice est très faible (environ 45 % pour l’ensemble du Québec en 2009, 38 % à Montréal) et plusieurs candidates et candidats sont même élus par acclamation (56 % des élu·e·s, maires et conseillers, en 2009). Au cours des derniers mois, dans la foulée des « révélations » dont la commission Charbonneau a rendu compte sur la collusion, les malversations et les prévarications dans diverses municipalités québécoises, les maires de Montréal et de Laval ont dû démissionner. Ce fut ensuite le tour de leurs substituts. D’autres maires québécois, faisant face à des accusations criminelles, se sont également vus dans l’obligation de quitter leur poste, dans la tourmente. Or, cette désolante suite de révélations et d’abdications ne semble pas avoir suscité de regain d’intérêt pour la politique municipale ou de mobilisations d’importance. Elle a plutôt alimenté un cynisme généralisé, qui, croyons-nous, peut s’expliquer par la dépolitisation des enjeux municipaux.
Exit le politique
Cette dépolitisation est entretenue au premier chef par les élu·e·s qui se considèrent davantage comme des administrateurs ou des gestionnaires que comme des représentant·e·s de la population exerçant des responsabilités politiques. Un ancien maire, obtenant l’assentiment de ses collègues, a déjà comparé les conseils municipaux à des conseils d’administration ! Cela s’explique en partie par le statut ambigu des municipalités et par cette tendance qu’ont les élu·e·s municipaux à se prendre pour des « notables » n’ayant aucune obligation de reddition de comptes à l’électorat, ce qui accroît également le sentiment d’impunité.
La dépolitisation se manifeste également par cette propension généralisée à présenter les enjeux municipaux sous la forme de questions techniques qui exigent une décision de gestionnaire ne nécessitant pas d’être soumise au débat politique. Pourtant, les municipalités assument de nombreuses responsabilités dans le domaine du transport en commun, de l’aménagement du territoire, du développement durable, du logement, de la santé publique, des loisirs, de la culture, de l’intégration des immigrant·e·s, etc. Ces enjeux influencent et façonnent notre façon d’habiter nos villes et nos villages. Ils ont des impacts considérables sur notre qualité de vie individuelle et collective. Abordés comme des questions purement techniques, ils courent le risque de se limiter à un débat d’expert·e·s, nous éloignant ainsi (encore !) un peu plus des processus décisionnels.
Le choix entre construire de nouvelles autoroutes ou promouvoir le transport actif, entre la carte blanche aux promoteurs immobiliers et l’aménagement concerté de quartiers à échelle humaine, entre favoriser le développement de bibliothèques publiques ou de méga complexes sportifs, tout cela n’est pas que technique et administratif. Il existe différentes façons d’habiter la ville et de participer aux processus décisionnels qui concernent nos milieux de vie. Mais au final, il en va de volonté et de décisions politiques.
Finalement, la dépolitisation se manifeste par la quasi-absence de véritables partis politiques municipaux. Au mieux, nous avons des « véhicules » électoraux temporaires, dépourvus d’existence entre les campagnes électorales. Ces dernières années, les « équipes » « véhicules » électoraux temporaires, dépourvus d’existence entre les campagnes électorales. Ces dernières années, les « équipes » misant d’abord sur des personnalités connues, plutôt que sur des programmes (ou même sur des idées !), se sont multipliées (pensons à l’Équipe Denis Coderre, l’Équipe Labeaume, l’Équipe Jean-Claude Gobé, etc.).
Réinvestir l’arène municipale
Afin de contrer la dépolitisation, plusieurs initiatives citoyennes avaient été mises en place peu avant les élections municipales de 2009. Parmi celles-ci, rappelons la création d’un Réseau national sur la démocratie municipale et l’élaboration d’un « Agenda citoyen » par le défunt collectif D’abord solidaires, les Sommets citoyens de Montréal, les déclarations citoyennes de certains centres de femmes de Montréal, la mobilisation communautaire autour de la candidature de Sylvie Tardif à Trois-Rivières, l’implication de plusieurs membres de Corporations de développement économique communautaire (CDEC) dans des municipalités québécoises (et l’élection de certain·e·s), les coopératives de Saint-Camille en Estrie, etc. En ce moment, on ne voit rien de tel. Tout au plus certains souverainistes se sont-ils convertis à la lutte contre la corruption municipale en formant une Ligue d’action civique et le groupe Femmes et démocratie promeut-il plus de candidatures féminines.
Le collectif d’À bâbord ! déplore cette situation, car les municipalités, en tant qu’instances politiques de proximité, offrent la possibilité d’expérimenter d’autres formes de démocratie, participatives ou délibératives, et non pas uniquement représentatives. Des succès comme ceux du Centre social autogéré de Pointe-Saint-Charles, des expériences de conseils de quartier à Québec et du budget participatif de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal (2006 à 2009) illustrent bien tout le potentiel d’une réappropriation de nos institutions politiques et démocratiques.
Plutôt que de se délecter cyniquement des révélations de la commission Charbonneau, ne serait-il pas temps de réinvestir collectivement l’espace démocratique municipal ?