Dossier : En plein corps

Kajsa Ekis Ekman

L’être et la marchandise

Marie Soleil Chrétien

L’être et la marchandise Kajsa Ekis Ekman, Montréal, M Éditeur, 2013.

Dans cet ouvrage, Kajsa Ekis Ekman se penche sur deux thèmes suscitant de vifs débats actuellement, particulièrement dans le mouvement féministe : la prostitution et la maternité de substitution. Ces deux phénomènes créent un clivage entre une position dite abolitionniste et l’autre dite réglementariste. L’auteure a choisi de recenser un nombre imposant de travaux et de recherches présentant les deux positions afin de les mettre en perspective et de démontrer que l’approche prônant la réglementation contient plusieurs failles et ne s’inscrit pas dans un cadre féministe « révolutionnaire ». Son but est, en effet, de démontrer que la légalisation de la prostitution et de la maternité de substitution n’est pas en soi un moyen permettant de minimiser – voire enrayer – les violences exercées contre les femmes.

Se positionnant dans une perspective abolitionniste, l’auteure revisite les études sur ce sujet et élabore un contre-argumentaire en se basant à la fois sur des notions théoriques et sur d’autres études trop souvent mises de côté. Elle démontre que le système prostitutionnel et l’industrie de la maternité de substitution sont des produits des systèmes patriarcal et capitaliste. En ce sens, elle soutient que la position réglementariste s’inscrit dans une logique libérale de profit et de marchandisation du corps des femmes dans un système d’exploitation qui ne les prend pas en considération. Ainsi, cette position ne vise pas à changer les rapports sociaux de sexe ni à abolir les inégalités, mais plutôt à changer la vision qu’a la société des femmes prostituées et des mères porteuses dans le but d’augmenter le respect envers elles et d’encourager cette activité lucrative.

En plus de s’appuyer sur un argumentaire sociologique contre le capitalisme et les exploitations, Ekman apporte une perspective psychologique pour dénoncer ces systèmes d’exploitation. Partant du trouble de stress post-traumatique, elle traite du symptôme de la dissociation auquel sont con­frontées – surtout – les femmes prostituées pour exposer le fait que d’être prostituée ou mère porteuse n’est pas un travail comme les autres, alors que la position réglementariste désavoue les effets de la dissociation afin de valoriser ce type d’activité. En effet, en parlant de leur corps comme un objet extérieur à elles et de leur sexe ou leur utérus comme un service, ces femmes ne sont pas seulement le sujet de travail ; elles deviennent l’objet même de cette activité.

Écrit de façon journalistique, ce livre est fort éclairant comme introduction à ces sujets puisqu’il regorge de données et de sources. Il est intéressant de noter qu’en plus des recherches utilisées, Ekman a aussi réalisé du travail de terrain pour recueillir encore plus de témoignages

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