Présentation du dossier
Le Québec que nous voulons
par Claude Rioux
On s’est indigné des propos du ministre sortant du Développement économique, Raymond Bachand, lorsqu’il a déclaré qu’une « campagne électorale n’est pas la bonne place pour réfléchir sagement sur les questions philosophiques ou sur des valeurs ». Il a pourtant bien raison : ces campagnes consistent d’abord et avant tout à faire de beaux sourires, serrer des mains, se montrer un peu partout, mentir, détourner l’attention des sujets importants, lancer des promesses en l’air et entreprendre des discours creux. La farce électorale qui vient de prendre fin l’a bien confirmé, en dépit des efforts louables mais vains de Québec solidaire pour « élever le débat ». Réfléchir sur des questions philosophiques ou sur des valeurs, c’est là justement la prétention de ce petit dossier qui n’en a pas d’autre. Le Collectif de rédaction a demandé à quatre de ses membres de soumettre à nos lecteurs et lectrices une réflexion sur autant d’enjeux importants : la culture, la démocratie, l’économie et la santé. Des pistes de réflexion pour le Québec que nous voulons.
Lucie Mercier met en évidence le fossé qui sépare l’atteinte du droit à la santé pour toutes et les intérêts d’une « industrie de la santé » en pleine effervescence qui mise, pour sa croissance, autant sur les nouvelles technologies… que sur la pérennité des maladies. Elle propose un effort collectif sur les déterminants de la santé – les questions sociales, économiques et politiques qui, avec le bagage génétique propre à chacune, déterminent la santé des individus. Abordant la question de la démocratie, Normand Baillargeon, dans un registre à la fois rationaliste et spéculatif, soumet à notre analyse un modèle, celui des « conseils ». Ceux-ci, bien qu’ayant une assise locale, ne se limiteraient pas à cette sphère et leur pouvoir pourrait être projeté au niveau national, voire mondial. En partant de la même prémisse – c’est-à-dire la nécessité de penser des alternatives glocales (à la fois globales et locales) –, Gaétan Breton pose quant à lui quelques balises pour un débat sur les fins et les moyens d’une économie mise au service du politique et du social. En prenant l’exemple de l’agriculture (de sa production et de son commerce), il plaide pour une décroissance économique et un arrêt du productivisme, seules façons de contrecarrer l’essence destructrice du capitalisme. Enfin, Claude Vaillancourt, faisant appel à son imagination autant qu’à son sens critique, a pris au mot le titre de ce dossier pour nous entraîner dans une utopie où la culture, ni trash ni élitiste, serait non pas vue comme une pompe à fric, mais comme la manifestation la plus féconde de notre libération collective.