« La grande transition »

No 074 - avril / mai 2018

Société

« La grande transition »

Vers une société post-capitaliste

Caroline Brodeur, Alain Savard, Maïka Sondarjee

Le collectif La grande transition organise un colloque international à l’UQAM en mai prochain. L’événement vise à rassembler « un millier de participant·e·s pour discuter des critiques du capitalisme, des stratégies qui visent son dépassement et des modèles d’organisation économique alternatifs ». Afin d’en savoir plus sur le projet, À bâbord ! a rencontré deux membres du comité organisateur, Alain Savard et Maïka Sondarjee.

Propos recueillis par Caroline Brodeur.

À bâbord ! : C’est quoi, « La grande transition » ?

Alain Savard : La grande transition, c’est la transition qui sera nécessaire pour sortir du capitalisme et construire une société plus juste et plus égalitaire. On organise un colloque nommé « La grande transition » pour réfléchir à tout ça. Le nom fait écho aux mouvements écologistes qui parlent de transition vers une économie verte. Mais finalement, la justice écologique n’est qu’un des aspects de la justice sociale. La grande transition, c’est de réfléchir à l’ensemble des facettes d’une économie à venir, hors capitalisme, basée sur la démocratie, l’égalité et la justice.

Maïka Sondarjee : Le colloque durera 4 jours, comptera 120 ateliers et plus de 300 panélistes provenant de quatre continents. Par exemple, Kari Polanyi, la fille de Karl Polanyi [1], célèbre historien de l’économie, ainsi qu’Alain Deneault parleront de comment l’économie domine nos vies. Himani Bannerji et Diane Lamoureux aborderont quant à elles les thèmes du féminisme, de l’antiracisme et de la lutte des classes, alors que Julia Posca, Erik Olin Wright, Christian Laval et Pierre Dardot se demanderont comment penser l’après-capitalisme.

ÀB ! : D’où est venue l’idée ? L’événement répond à quel besoin ?

A. S. : La gauche parle souvent des problèmes sociaux. On pointe du doigt les grands systèmes d’oppression comme le patriarcat ou le capitalisme, mais c’est rare qu’on prenne le temps de penser aux alternatives. Au mieux, on propose des réformes pour répondre temporairement aux problèmes qu’ils causent : taxer les grandes entreprises, mieux financer les services publics, favoriser l’embauche de minorités visibles. Quand vient le temps de penser à une alternative sociale globale, on peine à trouver une réponse satisfaisante.

Dans un monde capitaliste mondialisé, il est difficile de voir comment adopter des réformes importantes, car les accords de libre-échange et la mobilité des capitaux donnent le « gros bout du bâton » aux grandes corporations. Les conditions qui ont mené à la création de l’État-providence après la Seconde Guerre mondiale ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Et lorsque des gouvernements de gauche sont élus, comme Syriza en Grèce, ceux-ci ont peu de marge de manœuvre pour changer réellement les choses.

Il faut donc rompre radicalement avec le capitalisme, mais comment faire ? Le remplacer par quoi ? Les modèles socialistes du 20e siècle ont été discrédités par l’expérience, mais on ne peut se résigner à l’idée qu’il n’y a pas d’alternatives. Or, les ressources consacrées à cette recherche d’autres possibles restent marginales au sein de la gauche et des mouvements sociaux. Préoccupés par des campagnes pour se défendre de la dernière attaque néolibérale, on prend rarement le temps de réfléchir à la société que nous voulons à long terme et aux moyens nécessaires pour y parvenir. « La grande transition » vise à relancer le débat et offrir un espace de réflexion sur le sujet.

ÀB ! : À qui s’adresse le colloque ?

M. S. : Aux militant·e·s, aux syndicalistes, aux universitaires, mais aussi à quiconque souhaite en apprendre un peu plus sur les différentes luttes émancipatrices existantes et à venir. Le but est de promouvoir des idées radicalement de gauche à un public initié ou non, mais désireux de changer la société et le modèle économique dans lesquels on vit.

ÀB ! : L’événement peut sembler assez académique. Désirez-vous sortir de la théorie ? Si oui, comment proposez-vous de transposer le tout en pratique ?

M. S. : Absolument ! On a fait très attention de ne pas faire de « La grande transition » un événement universitaire. Le colloque sera ancré dans le réel ou ne sera pas.

Les panels abordent des sujets aussi variés que les luttes syndicales, les mouvements alternatifs ici et ailleurs dans le monde, le municipalisme, les luttes écologiques, les façons de s’organiser dans des groupes militants au niveau municipal ou communautaire, l’antiracisme au quotidien, les mouvements étudiants ou l’intersectionnalité dans les luttes féministes.

Ces sujets seront également abordés à travers plusieurs activités diversifiées comme des panels publics, des événements sociaux et des soirées festives. L’événement est vraiment destiné à tous et toutes.

ÀB ! : Quels objectifs souhaitez-vous atteindre ?

M. S. : Nous visons à renforcer les liens de collaboration entre les militant·e·s anticapitalistes de différentes tendances, les universitaires et les membres des milieux syndicaux. Il s’agit aussi de créer des ponts entre les milieux anglophones et francophones, afin de bâtir de nouvelles solidarités et initiatives.

« La grande transition » permettra de renforcer les réseaux militants et de dynamiser leurs luttes.

A. S. : Le colloque vise à être un réel point de convergence des luttes. Il aura lieu deux semaines avant les manifestations contre le G7 dans Charlevoix et réunira des groupes écologistes, syndicaux, étudiants, militants et politiques. Les différents ateliers permettront d’échanger sur nos principes, nos tactiques et nos stratégies.

ÀB ! : Qu’aimeriez-vous qu’il en ressorte ? Qu’entrevoyez-vous pour la suite ?

M.S. : L’idée est de créer des partenariats sur le long terme, tant pour des activités militantes, des projets de recherche que pour faire du mentorat formel ou informel. La gauche et les mouvements anticapitalistes doivent s’organiser afin d’être plus efficaces et « La grande transition » est l’événement parfait pour amener le plus de personnes à participer à la consolidation du mouvement.


[1Karl Polanyi a publié un livre intitulé La Grande transformation, duquel est inspiré le titre du colloque.

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