Étouffer la dissidence. Vingt cinq ans de répression politique au Québec

No 074 - avril / mai 2018

Collectif

Étouffer la dissidence. Vingt cinq ans de répression politique au Québec

David Sanschagrin

Collectif, Étouffer la dissidence. Vingt cinq ans de répression politique au Québec, Montréal, Lux, 2016, 152 pages.

La commission Ménard — enquêtant sur la détérioration du climat social durant la grève étudiante de 2012 — s’était limitée à cette courte période de temps et à quelques groupes sélectionnés. La Commission populaire sur la répression politique (CPRP) a été créée en réponse aux insuffisances de la commission Ménard et à l’intensification de la répression politique des groupes contestataires au Québec depuis 1990. La CPRP a adopté une approche populaire, militante et critique.

En donnant la parole aux personnes victimes ou témoins de répression, la CPRP voulait « rendre visible l’invisible » des multiples pratiques de domination – surveillance, arrestations, législation coercitive, contrôle de l’espace public, marginalisation, stigmatisation, profilage, judiciarisation, brutalité – de la nébuleuse répressive comprenant les médias, la police, les tribunaux et les dirigeants politiques. Ces pôles de répression se légitiment et se renforcent mutuellement, un ministre en appelant par exemple à la fermeté face à des manifestants, décrits comme des privilégiés dans les médias et qui sont réprimés sur le terrain par la police, puis judiciarisés.

L’intensification de la répression depuis 1990 s’inscrit dans le contexte de l’opposition massive des mouvements sociaux à la destructive mondialisation néolibérale. La police a dès lors « pris le virage de la “tolérance zéro” » et celui de l’accroissement de ses moyens d’action face à la contestation, alors même que la criminalité décline. Parmi ces moyens, on note le recours de plus en plus systématique aux liberticides arrestations de masse ainsi qu’à l’utilisation d’armes à « létalité réduite » (gaz lacrymogène, balles en caoutchouc, grenades sonores, etc.).

À la lecture de cette éclairante et synthétique plaquette, on se rappelle que l’État, c’est d’abord le monopole de la violence coercitive et, que pour exercer cette dernière, les fonds seront toujours disponibles, même en période d’austérité. De plus, la dissémination du pouvoir répressif dans le tissu social (à travers notamment les pratiques d’infiltration) n’est pas sans rappeler les brillantes analyses de l’historien Michel Foucault dans Surveiller et punir.

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