Joseph Stiglitz
Quand le capitalisme perd la tête
lu par Gaétan Breton
Joseph Stiglitz, Quand le capitalisme perd la tête, Fayard, Paris, 2003
Stiglitz a reçu le (faux) prix Nobel d’économie avant de diriger le Conseil économique consultatif du président Clinton et d’être vice-président de la Banque mondiale. Son livre est un retour sur ses années avec Clinton et la folle décennie 1990. Cette « folle décennie » doit son nom à la « bulle » boursière qui a permis à beaucoup de spéculateurs de s’en mettre plein les poches tout en détruisant des milliards de dollars de richesse et en jetant le monde dans une récession.
S’il y avait un tribunal de Nuremberg pour les économistes, mesure à mettre de l’avant, Stiglitz y serait sûrement condamné pour avoir participé à la curée de l’État et à l’élimination des derniers remparts qui protégeaient encore les citoyens de la rapacité des financiers. Quant aux financiers, on aurait plutôt le goût de proposer l’exécution sommaire puisqu’ils nous font subir le même sort tous les jours.
Sur son chemin de Damas, Stiglitz découvre que la pauvreté est plus qu’une statistique, que l’exclusion est plus qu’un chiffre et que les économistes et les financiers propagent la destruction et la mort mieux que n’importe quelle arme de destruction massive. Ils détruisent la richesse tout en prétendant la créer. Stiglitz nous montre bien que ces spécialistes du double discours ont été d’importants artisans de la catastrophe par leur soumission indigne aux détenteurs du pouvoir financier, ou simplement par leur ignorance crasse de la réalité qui se cache derrière leurs modèles et leurs statistiques.
Aujourd’hui, il les dénonce dans un livre qui décrit très clairement et lucidement les mécanismes de la mondialisation telle que prêchée, d’un côté, et telle qu’appliquée, de l’autre, dans la plus totale incohérence. Il nous aide aussi à comprendre ce qui se passe chez nous. Nous voyons comment nos dirigeants finissent par répéter servilement et bêtement les préceptes en vogue de l’autre côté de la frontière sans leur appliquer le moindre jugement critique.
C’est donc un livre à lire, surtout si vous croyez ne pas comprendre l’économie. Stiglitz écrit très simplement et très pédagogiquement. Il faut toutefois souligner que la traduction ne rend pas toujours le sens et que les différences culturelles, entre le monde de l’auteur et celui du traducteur, obscurcissent parfois le propos.