Dorval Brunelle
Dérive globale
lu par Pierre Mouterde
Dorval Brunelle, Dérive globale, Montréal, Boréal, 2004.
Dans Dérive globale, Dorval Brunelle s’attaque à une question décisive pour tous les altermondialistes : celle de la spécificité de l’ordre néolibéral. Pour tenter d’y répondre, il part de ce qu’il appelle « le moment zéro de la mondialisation contemporaine », c’est-à-dire de ce « moment-charnière » de l’après Deuxième guerre mondiale où aurait démarré « la mise en place d’un projet ambitieux d’institutionnalisation de la mondialisation contemporaine ». Et cela, pour faire mieux apercevoir – au sein même de la pensée et des institutions libérales – le chemin parcouru ainsi que les lignes de rupture et de continuité ayant donné naissance à cette « dérive globale » que nous connaissons aujourd’hui. L’approche est d’autant plus éclairante que l’auteur prendra comme exemple privilégié celui du Canada : là où, dans les années 40, on s’employait à la fois à construire un État providence national et un ordre international plus universel, et où dans les années 90 on a promu le libre-échange et le « quatrain » de la déréglementation, privatisation, libéralisation et réduction des politiques sociales. Au fil de fines analyses sur les rapports entre « continentalisation de l’économie canadienne et économie mixte » ou sur la fonction centrale du « tripartisme », il montrera comment cette évolution est le résultat des contradictions de la pensée libérale. S’il nous indique bien comment on est passé d’un ordre mondial d’après-guerre construit « depuis le politique vers l’économique » à un ordre conçu « depuis l’économique vers le politique », il nous laisse un peu sur notre faim quant aux alternatives de dépassement proposées : la revalorisation du politique autour de l’État comme « passage obligé vers l’universalité ». N’est-ce pas parce qu’il reste difficile de saisir l’essence même du néolibéralisme à partir des seules dérives de la tradition libérale ?