Présentation du dossier
Maternité et médecine. Silence, on accouche !
Longtemps, l’expérience de l’enfantement a appartenu aux femmes : celles qui donnaient naissance et celles qui les accompagnaient. Ce dossier commence avec l’histoire de la dépossession des femmes de leur savoir et de leur puissance d’agir. Dépouillées de leur pouvoir, de leur corps et de l’acte de donner naissance, les femmes deviennent des figures passives de leur accouchement, des objets qu’il est possible de manipuler sans consentement. Des utérus qu’on fait accoucher. La construction de l’accouchement comme évènement médical requérant contrôle et surveillance de la part de l’institution hospitalière s’est échelonnée sur plusieurs siècles.
« Silence, mesdames, on vous accouche ! »
Aujourd’hui, dans plusieurs pays en Amérique latine et en Europe, on dénonce la violence obstétricale. Dans les dernières années, ce sujet a fait la manchette de plusieurs journaux et magazines, en France notamment. Au Québec, le Regroupement Naissance-Renaissance (RNR) développe sa réflexion sur la violence obstétricale depuis plus de dix ans en travaillant à faire émerger cet enjeu dans l’espace public. C’est dans le cadre d’une collaboration avec le RNR que ce dossier a été possible.
Nous avons tenté de faire un tour d’horizon de la situation, de donner la parole à des femmes qui ont vécu la violence obstétricale et d’aborder les expériences de naissance des femmes les plus marginalisées : les femmes noires ou autochtones, celles qui vivent en situation de handicap ou avec un statut migratoire précaire. Nous ne sommes cependant pas parvenu·e·s à offrir un regard sur l’expérience des couples homoparentaux, des personnes non binaires et des hommes trans qui accouchent. C’est le signe que ce dossier ne fait qu’ouvrir une porte et qu’il reste encore beaucoup à dire sur le sujet.
Le dossier se conclut sur la pratique sage-femme. Occultée du paysage pendant des siècles, elle réapparaît grâce aux luttes pour l’humanisation des naissances menées par des femmes et des familles aux quatre coins du Québec. De par son approche et ses principes, cette pratique constitue le meilleur rempart contre la violence obstétricale. Encore faut-il que son intégration au système de santé respecte sa spécificité, car si elle ne devenait que le pâle reflet d’elle-même pour satisfaire ses détracteurs, les personnes qui accouchent devront trouver de nouvelles avenues pour se réapproprier la naissance.
« Silence, tout le monde, laissez-nous accoucher ! »
Le dossier comprend des contributions de Valérie Beauchamp, Nesrine Bessaïh, Isabelle Boisvert, Isabelle Challut, Catherine Gerbelli, Camille Gérin, Véronique Houle, Céline Lemay, Rémi Leroux, Roxanne Lorrain, Hirut Melaku, Nicole Pino et Stéphanie St-Amant.