Chronique Travail
Les 100 ans de l’Organisation internationale du travail (OIT)
Une organisation méconnue, un travail indispensable
L’Organisation internationale du travail (OIT) a toujours joué un rôle important lors des moments clefs de l’histoire du travail, qu’il s’agisse de la Grande Dépression, de la décolonisation, de la création de Solidarność en Pologne, de la victoire sur l’apartheid en Afrique du Sud. Voilà l’occasion de revenir sur le passé d’une institution qui célèbre cette année son centième anniversaire.
C’est en 1919 qu’est créée l’OIT. Cette dernière vise la paix universelle et durable, soit les bases de la justice sociale, qui chasse l’exploitation des travailleuses et des travailleurs. C’est en ce sens, qu’au cours des dernières années, l’OIT a développé un « cadre éthique, productif et équitable ».
L’OIT a quatre objectifs stratégiques : la promotion et la mise en œuvre des principes et des droits fondamentaux au travail ; la croissance des possibilités pour les femmes et les hommes d’obtenir un emploi décent ; l’extension du bénéfice et de l’efficacité de la protection sociale pour toutes et tous ; le renforcement du tripartisme et le dialogue social.
Ainsi, ses préoccupations d’ordre sécuritaire, humanitaire, politique et économique étaient clairement annoncées dès le départ. En effet, le préambule de la constitution de l’OIT en fait mention : « la réglementation de la durée du travail et du recrutement de main-d’œuvre, la prévention du chômage et la garantie d’un salaire assurant un niveau de vie convenable, la protection sociale des travailleurs, des enfants, des personnes âgées et des femmes ». Ce texte a aussi mis en exergue plusieurs principes fondamentaux : l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ou encore la liberté syndicale.
Tripartisme
L’action de l’OIT repose sur l’indispensable coopération entre les gouvernements et les organisations d’employeurs et de travailleurs, en vue de favoriser le progrès économique et social. Que ces instances soient syndicales ou patronales ou encore représentantes nationales (gouvernementales), elles participent sur un pied d’égalité aux délibérations et incarnent le dialogue social.
Ses trois organes principaux œuvrent en droit du travail à l’échelle internationale. La Conférence internationale du Travail détermine les normes internationales du travail et les grandes orientations de l’OIT (le parlement international du travail). Ce mandat est complété par celui du Conseil d’administration (organe exécutif de l’OIT) et celui du Bureau international du Travail (le secrétariat permanent). En plus de ces trois organismes, il existe aussi des comités d’experts.
Normes et contrôle
La première année, sous la direction d’Albert Thomas (1878-1932), l’OIT ne comptait que neuf conventions internationales du travail et dix recommandations, adoptées en moins de deux ans. Ces normes abordaient plusieurs pans du travail tels que sa durée, le chômage, la protection de la maternité, le travail de nuit des femmes et des enfants ou encore l’âge minimum des enfants destinés au travail.
Un siècle plus tard, il y a 189 conventions internationales du travail, dont huit sont fondamentales (et couvrent la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective ; l’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire ; l’abolition effective du travail des enfants ; l’élimination de la discrimination dans l’emploi et la profession) et 205 autres recommandations.
L’OIT a construit un système de contrôle unique, sur le plan international, qui tend à garantir le respect des conventions par les États qui les ont ratifiées. En cas de difficulté d’application, l’OIT aide les pays concernés par le biais du dialogue social et de l’assistance technique.
Actualisation du rôle de l’OIT
L’OIT possède une connaissance et une expertise du monde du travail inégalées. Elle cherche toujours à satisfaire les aspirations des peuples du monde entier quant à des emplois et des revenus décents et à la dignité.
L’actuel directeur général de l’OIT, le Britannique Guy Ryder, veut renforcer le rôle de l’organisation dans les processus de décision internationaux relatifs au monde du travail (p. ex. emploi, protection sociale, lutte contre la pauvreté, égalité) et intervenir dans des situations mondiales difficiles, comme une crise économique.
Le directeur Ryder veut aussi que l’OIT s’adapte aux nouvelles réalités sociétales. Ainsi, il affirme : « L’intelligence artificielle, l’automatisation et la robotique vont provoquer des pertes d’emploi du fait de l’obsolescence des compétences. Cependant, ces mêmes avancées technologiques, ainsi que l’écologisation des économies, vont également permettre de créer des millions d’emplois – si l’on saisit ces nouvelles opportunités. »
Cent ans après sa création, l’OIT veut réellement être le plus en adéquation avec l’évolution des modes d’exploitation des entreprises qui se dématérialisent et le marché du travail qui se fractionne.