¿De qué nos van a perdonar ?
Communiqué de l’EZLN
par le sous-commandant Marcos
Jusqu’à aujourd’hui, 18 janvier 1994, seule nous est parvenue la proposition de « pardon » qu’offre le gouvernement à nos forces.
Mais de quoi devons-nous demander pardon ? Que veut-on nous pardonner ?
De ne pas mourir de faim ? De ne pas nous taire dans notre misère ? De ne pas avoir accepté humblement le poids titanesque d’une histoire lourde de mépris et d’abandon ? De nous être soulevés parce que toutes les autres issues étaient fermées ? (…) D’avoir démontré au reste du pays et au monde entier que la dignité humaine continue d’exister et qu’elle s’enracine chez les plus pauvres ? De nous être bien préparés, délibérément, avant de commencer ? D’avoir utilisé des fusils de combat plutôt que des arcs et des flèches ? D’avoir appris à nous battre avant de le faire ? D’être tous Mexicains ? D’être majoritairement des Indiens ? D’appeler l’ensemble du peuple mexicain à rejoindre la lutte, sous toutes ses formes, pour ce qui leur appartient ? De ne pas suivre les modèles des guérillas antérieures ? De ne pas nous rendre ? De ne pas nous vendre ? De ne pas nous trahir ? Qui doit demander pardon ? Qui peut pardonner ?
Ceux qui pendant des années et des années se sont assis et rassasiés à des tables pleines pendant que nous nous attablions avec la mort, si familière, si quotidienne que nous n’en avons plus peur ? Ceux qui ont rempli les sacs et les âmes de promesses et de déclarations ? Nos morts, si majoritairement morts, si démocratiquement morts de peine, parce que personne ne faisait rien pour eux, parce que tous les morts, nos morts, partaient, sans que personne ne s’en soucie, comme ça, sans que personne ne s’en rende compte, sans que personne ne s’insurge en disant enfin ASSEZ ! et ne donne ainsi un sens à toutes ces morts, sans que personne ne demande aux morts de toujours, nos morts, qu’ils viennent mourir encore, mais cette fois, pour vivre ? Ceux qui ont refusé de nous octroyer le droit et la charge de gouverner et de nous gouverner ? Ceux qui ont méprisé nos traditions, notre couleur, nos langues ? Ceux qui nous traitent comme des étrangers sur notre propre terre et exigent des papiers et l’obéissance à une loi dont nous ignorons l’existence et le bien-fondé ? Ceux qui nous ont torturé, emprisonnés, assassinés, fait disparaître, pour le grave délit de demander un morceau de terre, pas un grand morceau, pas un petit morceau, un morceau juste ce qu’il faut pour y faire pousser de quoi remplir l’estomac ?
Qui doit demander pardon, qui peut pardonner ?
Le président de la République ? Les sénateurs ? Les députés ? Les gouverneurs ? Les maires ? Les policiers ? L’armée fédérale ? Les grands messieurs de la banque, de l’industrie, du commerce et de la terre ? Les intellectuels ? (…) Les étudiants ? Les instituteurs ? Les ouvriers ? Les paysans ? Les Indiens ? Les morts d’une mort inutile ?
Qui doit demander pardon, qui peut pardonner ?
Voilà, c’est tout pour le moment.
Salut, et une accolade car, avec ce froid, les deux sont bienvenus, je crois, même si elles émanent d’un « professionnel de la violence ».
Depuis les montagnes du sud-est mexicain