Dossier : Nouvelles résistances,

Présentation du dossier du no 59

Nouvelles résistances, nouvelles voies d’émancipation

Philippe Boudreau, Diane Lamoureux

Comment penser les mouvements en faveur de la justice, de l’égalité, de la liberté, de l’autonomie et de l’émancipation sociale ? Quelles réflexions peuvent outiller les militant·e·s ? Quelles alternatives au capitalisme ne reposant ni sur le primat du marché ni sur l’étatisation de l’économie ?

Nous avons privilégié l’hypothèse qu’un peu partout sur la planète, les formes que prend la lutte collective évoluent ; que des mobilisations qui, au 20e siècle, avaient été pensées sur des bases catégorielles étaient appelées à se transformer ; que de nouveaux acteurs collectifs étaient peut-être en train d’émerger au 21e siècle, sans éclipser pour autant les acteurs sociaux traditionnels.

Le dossier est divisé en deux volets. Le premier, plus théorique, permet de se familiariser avec certaines réflexions qui tentent de répondre aux questions que nous nous posions. Les pistes ouvertes par les récents travaux de Pierre Dardot et Christian Laval, de Jérome Baschet, puis de Daniel Drache, nous ont semblé particulièrement fécondes et peu discutées jusqu’à présent au Québec.

Le deuxième volet se penche sur ce que nous pourrions appeler des laboratoires d’émergence de solidarités nouvelles. D’abord, Rachel Sarrasin s’interroge sur l’action de proximité, à la fois dans ses dimensions territoriales et affinitaires. Serge Proulx propose de son côté une réflexion sur la nature sociopolitique de l’appropriation de la parole – et des outils – désormais possible grâce à l’extraordinaire développement d’internet. Simon Labrecque quant à lui s’intéresse aux potentialités offertes par les arts de la scène. Laure Blais et Élie Dion nous informent de certaines tentatives, à caractère multisectoriel, en vue du déclenchement d’une mobilisation de type « Printemps 2015 ». Posant son regard sur l’Amérique latine, Pierre Beaucage évalue certaines expériences de solidarité entre populations autochtones et divers secteurs progressistes ou populaires en Bolivie. Enfin, Marcos Ancelovici examine, à l’échelle espagnole, les suites de la mouvance occupy/indignados.

Ces ouvertures théoriques et ces laboratoires n’épuisent pas le champ de la réflexion et des nouvelles pratiques sociales. Faute d’espace, il nous a été impossible de dégager l’importance d’un mouvement comme Idle no more qui combine des préoccupations anticoloniales autochtones, féministes et écologistes. De la même façon, les luttes écologistes des dernières années ont fait surgir de nouvelles alliances, qui ont, entre autres, conduit à l’abandon du projet de port pétrolier à Cacouna. Dans les régions se forgent des alliances inédites pour préconiser de nouvelles formes d’occupation du territoire et de développement durable. Même le mouvement syndical connaît des mutations importantes avec la syndicalisation de personnels précaires ou atypiques.

Nous avons voulu mettre l’accent, à partir de points d’entrée diversifiés, sur des pratiques politiques et des réflexions théoriques en lien avec ces pratiques qui ouvrent l’horizon politique. Dans le climat de morosité associé aux politiques d’austérité qui nous assaillent de toutes parts et qui cherchent à restreindre nos rêves, celles-ci représentent des lueurs d’espoir dont nous avons bien besoin. Elles nous incitent également à poursuivre la réflexion et la mobilisation.

Nous vous souhaitons une belle lecture, stimulante et féconde.

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