Alain Deneault et William Sacher
Paradis sous terre
Paradis sous terre, Alain Deneault et William Sacher, Écosociété, 2012, 188 pages.
Si le Canada est une plaque tournante de l’industrie minière mondiale (avec 75 % des sièges sociaux), cela ne tient pas du hasard. Le principe du free mining, en place depuis l’époque coloniale, place les intérêts des compagnies d’exploration et d’extraction devant ceux des populations locales et des épargnants.
La Bourse de Toronto est le point central des transactions minières, position favorisée d’abord par la quasi-absence de contrôles sur les informations fournies aux actionnaires. Libre cours, donc, pour exagérer le potentiel d’extraction des sites projetés et cacher les obstacles à l’exploitation, comme l’opposition des populations locales. Avec des conséquences scandaleuses : on se rappellera l’aventure Bre-X, dans laquelle des milliers d’épargnants ont été floués pour 6 G$ en 1997. Un climat d’affaires favorable, version canadienne : avantages fiscaux sur investissements et taux de redevances minimes sur les profits nets (manipulés à souhaits) font que plusieurs installations minières au pays ne rapportent rien aux citoyennes ; et pendant ce temps, les meilleures ressources publiques, les plus accessibles aussi, sont extraites à notre face même.
Mais les dégâts ne se limitent pas ici, 50 % des projets cotés à la Bourse torontoise étant situés à l’étranger, principalement dans les pays en voie de développement. Gouvernements corrompus et droits de la personne bafoués sont le terrain de prédilection de « nos » multinationales jouissant du soutien économique, diplomatique et juridique du Canada par différents organes, comme l’ACDI par exemple. En outre, il est impossible pour des ressortissants étrangers de poursuivre ici les sociétés qui ont causé des torts irréparables : destruction de milieux naturels ou agricoles, assassinats d’opposants, etc. Quand le fédéral intervient, c’est pour vanter l’industrie aux niveaux national et mondial ainsi que pour « guider les pays en développement » dans l’établissement de régimes miniers calqués sur notre système déjà déficient. Enfin, le fait que des centaines de millions de dollars sont investis dans ce secteur par la Caisse de dépôt et placement du Québec et autres fonds d’investissement nous renvoie une part de responsabilité comme citoyenne, une fois que l’on sait.