Travail
La haine sociale au poste de commande
Projet de loi C-4
Le gouvernement Harper récidive avec un nouveau projet de loi budgétaire omnibus qui s’attaque, entre autres choses, à deux acquis majeurs des droits des travailleuses et des travailleurs. D’abord, le droit de grève dans le secteur public fédéral, ensuite le droit de refuser d’exécuter une tâche au péril de sa santé ou de sa sécurité pour l’ensemble des salariés qui relèvent du Code canadien du travail. Suite au congrès du Parti conservateur qui a eu lieu à Calgary, d’autres mesures régressives anti-sociales sont à craindre. Scrutons cela d’un peu plus près.
L’attaque frontale anti-syndicale du gouvernement Harper…
Le 22 octobre 2013, le ministre des Finances déposait à la Chambre des Communes un volumineux projet de loi « budgétaire » qui ratisse large. Les changements proposés sont nombreux et affectent une foule de choses. Par exemple, dans le domaine des relations de travail dans la fonction publique fédérale, le gouvernement veut apporter des modifications draconiennes. Le projet de loi C-4 accorde à « l’employeur […] le droit exclusif de déterminer qu’un service est essentiel, ainsi que le nombre de postes nécessaires pour fournir ce service ». Alors qu’en ce moment, il a besoin de l’accord des syndicats pour déterminer quels services sont essentiels en cas d’arrêt de travail, il entend dorénavant s’arroger le droit exclusif de déterminer qui, dans la fonction publique fédérale, fera partie des services essentiels. Ce nouveau pouvoir décisionnel sera sans droit d’appel. Les salarié·e·s visé·e·s devront s’acquitter de toutes leurs tâches et non seulement de celles qui sont jugées essentielles pour assurer la sécurité des Canadiennes et Canadiens lors d’une grève.
De plus, là où 80 % ou plus des personnes salariées occupent un poste jugé essentiel, le droit de grève sera supprimé et remplacé par un processus d’arbitrage complètement remanié. Les décisions des conseils d’arbitrage seront fondées sur deux critères définis unilatéralement par le gouvernement : « le maintien en poste et la capacité de payer ». Les conseils d’arbitrage ne seront plus obligés de baser leurs décisions dans le respect de la rémunération équitable et la garantie des conditions de travail raisonnables. La loi confierait également au secteur privé la tâche d’évaluer la rémunération globale des employé·e·s du secteur public, rôle qui était jusqu’ici effectué par la Commission des relations de travail dans la fonction publique.
Le gouvernement Harper souhaite modifier le Code canadien du travail en apportant des changements qui ont pour effet de réduire radicalement la définition de ce qui constitue un « danger » au travail. Si le projet de loi est adopté tel que libellé en ce moment, la définition de danger s’appliquera uniquement aux menaces « imminentes ». Autrement dit, la menace pour la vie ou la santé doit venir de quelque chose qui se passe immédiatement ou très bientôt. Cette nouvelle exigence a pour effet d’introduire l’idée que les travailleuses et travailleurs ne méritent pas d’être protégés contre des activités ou des conditions qui pourraient affecter leur santé à moyen et long termes. Ce changement annoncé aura pour effet de rendre plus difficile pour les personnes salariées relevant du Code fédéral du travail l’exercice du droit de refus d’effectuer un travail dangereux. De plus, l’autorité et les pouvoirs des agents de santé et sécurité au travail seront transférés au ministre du Travail. Il est à redouter que l’application des mesures de santé et sécurité sera assujettie à une appréciation politique.
… et du Parti conservateur
Réunis en congrès à Calgary au début du mois de novembre, les délégué·e·s du Parti conservateur ont décidé de continuer à s’acharner sur les salarié·e·s syndiqué·e·s. Si les propositions régressives qu’ils ont adoptées devenaient lois, les cotisations syndicales servant à l’action politique ne seraient plus obligatoires et l’adhésion à un syndicat deviendrait optionnelle. Manifestement, le gouvernement Harper et le Parti conservateur affichent un souverain mépris à l’endroit des travailleuses et des travailleurs syndiqué·e·s. Les modifications annoncées ici trouvent leur inspiration dans la haine sociale.
Un appel à une riposte unitaire
Au terme de cette triste démonstration, force est d’admettre que le gouvernement Harper est de plus en plus habité par une obsession destructrice acharnée contre les droits syndicaux. Derrière le processus d’imposition de ce projet de loi anti-syndical s’affirme une certaine conception autoritaire du pouvoir. Une large coalition syndicale et progressiste doit urgemment prendre forme pour contrer cette charge indigne d’un pays qui a ratifié en 1972 la Convention de l’Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical qui reconnaît le droit d’association et de liberté syndicale, et son corollaire, le droit de grève.