Le rapport Romanow
Un souffle progressiste sur la santé
En proposant une vision du système de santé à contre-courant des dogmes néolibéraux, le Rapport Romanow se veut un rempart contre la privatisation à outrance du secteur de la santé.
L’ancien premier ministre néo-démocrate de la Saskatchewan, Roy Romanow, a déposé le 28 novembre 2002 un important rapport qui émane de la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada mise sur pied en avril 2001 par le gouvernement fédéral. À la surprise de plusieurs, le rapport Romanow ébranle les principaux mythes faisant la promotion du privé dans le secteur de la santé et démontre que plus le privé joue un rôle important, moins le système est équitable et plus il est coûteux. Ce rapport va à contre-courant de presque tous les rapports provinciaux publiés ces dernières années, dont le rapport de la Commission Clair au Québec, qui ont tous fait à des degrés divers la promotion de la privatisation.
Le rapport Romanow reconnaît d’abord le droit de tous les citoyens et citoyennes à la santé et énonce des valeurs d’égalité, de justice sociale et de solidarité. Conformément aux aspirations des milieux progressistes, il propose d’étendre les cinq principes de la loi canadienne d’intégralité, d’accessibilité, d’universalité, de transférabilité et de gestion publique des services en englobant dorénavant les médicaments et les soins à domiciles. Cela renforcerait considérablement le caractère d’intégralité et de gratuité du système de santé.
Romanow considère que les problèmes d’accessibilité sont avant tout reliés à des politiques de sous-financement, notamment du gouvernement fédéral dont « la part ... a diminué de façon marquée ». Il fait la démonstration que les dépenses en santé, loin d’être un gouffre comme le prétendent les chantres de la privatisation, occupent une part du PIB qui a diminué sans cesse depuis dix ans. À ce chapitre, Romanow va au-delà des revendications des provinces (qui réclament 18% du PIB) et il demande de hausser la part du financement du fédéral de 14 % à 25 %. Cela équivaut à un investissement de 8,5 milliards $ d’ici 2005. De l’avis de David Levine, ex-ministre de la Santé, ces sommes satisferaient les attentes du Québec puisque le ministre Legault estimait lui-même que les besoins récurrents étaient de 1,6 milliard $.
De plus Romanow propose de prendre des dispositions législatives claires afin de soustraire le système de santé canadien aux éventuels assauts de l’entreprise privée, permis par les traités commerciaux comme l’ALÉNA et la ZLÉA.
Il n’est pas surprenant qu’aussitôt déposé, le rapport fut la cible d’un tollé de critiques de la part des acteurs du privé mais aussi de plusieurs gouvernements provinciaux qui se sont fait cham-pions de la privatisation en Santé. Au Québec, Castonguay et Clair (le premier longtemps associé à la Banque Laurentienne qui vend des assurances-santé complémentaires, le second administre des centres privés de soin de longue-durée) n’ont pas tardé à dénoncer que Romanow favorise l’ingérence fédérale dans les compétences des provinces et que son rapport a une trop forte saveur idéologique, car il laisse trop peu de place au privé ! Les trois partis présents à l’Assemblée nationale du Québec ont déposé une motion pour déplorer le caractère centralisateur des propositions Romanow, mais on peut se douter que le rapport heurte surtout les ambitions de privatisation de la santé qui tenaillent plusieurs politiciens québécois, à commencer par Mario Dumont.
De nombreux acteurs de la société civile se sont montrés très favorables à l’essentiel du rapport Romanow, dont la Coalition solidarité Santé, qui n’endosse pas entièrement les 47 recommandations de la proposition Romanow mais considère que celle-ci « est de nature à faire avancer sainement le débat sur l’avenir du système de santé au Québec. Plusieurs des recommandations et observations de la Commission sont conformes aux éléments du Manifeste pour un système de santé public, universel, accessible et gratuit adopté par la Coalition en janvier 2001. »
Réflexions
La santé d’une population est l’un des déterminants majeurs de son développement. La recherche en santé établit que dans les pays développés, il existe un lien constant entre les disparités de revenu et les taux de morbidité et de mortalité. Ce lien reflète le fait que là ou les régimes politiques et sociaux ont instauré des écarts de revenu plus grands, l’accès aux soins de santé primaires est plus restreint. L’État québécois pourrait renouveler son engagement envers un système de santé fondé sur les principes d’universalité, d’accessibilité et d’intégralité et dont le financement et la gestion sont publiques. Ces principes pourraient être enchâssés dans la législation québécoise, initiative d’autant plus nécessaire qu’un Québec souverain sera par le fait même soustrait du pacte fédéral sur la santé. Cet engagement servirait de base à la participation du Québec à un pacte social continental basé sur la solidarité et l’équité plutôt que sur la concurrence et le profit.