Les nouvelles invasions barbares

No 002 - nov. / déc. 2003

Cinéma

Les nouvelles invasions barbares

par Gaétan Breton

Il était une fois... le Québec rouge , réalisaton Marcel Simard, production Monique Simard, 52 m., 2003.

Le film de Marcel Simard, Il était une fois… le Québec Rouge, ressemble à celui de Denis Arcand. On y trouve des militants des années 1970 qui viennent brûler ce qu’ils ont adoré en invoquant l’innocence de la jeunesse et l’ignorance d’une époque dont nous sommes heureusement sortis.

Le film entier tourne autour du fait que les partis et les groupuscules de gauche de l’époque, que ce soit le Parti communiste ouvrier, le Parti communiste canadien marxiste léniniste ou, plus prosaïquement, En lutte, fonctionnaient comme des sectes. La vérité y était délivrée, sans nuances, par en-haut et la vie personnelle y était bannie au profit d’un engagement collectif total qui ne laissait aucune place à l’expression des ego. Quand on regarde les auteurs de ces témoignages, on constate toutefois que certains ego se sont repris depuis et on se prend à être reconnaissant aux groupes qui en ont freiné l’éclosion, au moins quelque temps.

Au-delà de l’emprise émotive, le parallèle avec les sectes se continue par la domination économique. Ces gens ont donné des fortunes à ces partis-sectes, fortunes dont on n’analyse pas la destination, évidemment. On s’attend à ce que ça finisse par un suicide collectif.

À regarder ce film, on croirait que ces partis étaient les seuls à fonctionner ainsi et que le reste de la société n’était pas structuré, justement, autour des catégories religieuses. On croirait aussi que ces partis de gauche n’ont fait aucune action politique et qu’ils n’ont eu aucun impact, ils se sont contentés d’exploiter leurs membres, qui en sont heureusement ressortis, déprogrammés. Ensuite, il faudrait peut-être aussi parler de l’infiltration massive dont ces partis étaient l’objet et dont les pratiques internes se ressentaient gravement. Seul le journaliste observateur soulève la question, les autres n’en parlent pas, ou du moins pas dans les parties des entrevues qui n’ont pas été coupées, car il ne faut pas oublier que c’est le projet du réalisateur dont nous parlons et que ce qui a vraiment été dit, on ne le saura jamais.

Au niveau de la facture, on a droit au show de chaise le plus impersonnel qui soit. Les gens témoignent dans un décor vide, devant un rideau noir. Tous les témoignages sont filmés de la même façon. Ces témoignages des anciens sectaires sont entrecoupés d’archives archi-connues, datant principalement des années 70.

Bref, c’est un film d’une grande insignifiance, qui ne nous apporte rien de vraiment sérieux pour comprendre l’histoire de la gauche à cette époque et, possiblement, pour y planter les racines de notre compréhension de la gauche actuelle, qui a bien changé. En fin de compte, on peut se questionner sur les intérêts du réalisateur et de la productrice, ancienne professionnelle du vote et directrice-générale du Parti québécois. Or, à qui profite le discrédit jeté sur la vraie gauche, sinon à la supposée gauche, frileuse et timorée, qui pourrait, selon certaines personnes, se trouver encore au PQ.

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