Éthanol et terre agricole : la pression est déjà là avec les mégaporcheries !
« Si on fait du maïs pour de l’éthanol, on va nourrir les autos, pas les humains » affirmait le porte-parole du Regroupement vigilance hydrocarbure Québec dans un article fort pertinent d’Alexis Riopel publié dans Le Devoir. On y apprenait notamment qu’il faudrait utiliser la totalité des terres utilisées pour le maïs-grain afin d’atteindre les cibles dans ce domaine. Pour mener à bien les réflexions sur cet enjeu, il est nécessaire de revenir sur l’utilisation actuelle des terres agricoles.
On pouvait en effet lire dans un article récent signé par Patrick Mundler de l’Université Laval et publié dans la revue Relations qu’actuellement la moitié des terres agricoles est utilisée pour les grandes cultures, dont 73 % pour le maïs et le soya, afin de nourrir des animaux. Le Québec produit quant à lui moins de 10 % de ses besoins en légumineuse et céréales destinées aux besoins humains. Le chercheur affirme également que : « Notre production nourrit nos cochons, mais ne nous permet pas de faire notre pain ». En d’autres termes, les millions de porcs dont 70% de la production est exportée et en partie subventionnée par les fonds publics mettent déjà une pression énorme sur nos terres agricoles !
Or, ces productions appartiennent à ce que l’on appelle des intégrateurs industriels qui sous-traitent toute la production à des éleveurs devenus employés (quand ce n’est pas géré par des machines) puis privatisent leur profit, mais partagent publiquement les pertes c’est-à-dire l’effet de cette production sur l’environnement. Sur cet aspect, l’agronome et lanceur d’alerte Louis Robert vient d’appuyer un groupe citoyen opposé à la multiplication des mégaporcheries dans leur milieu. Pour l’expert, les normes sur lesquelles se base le ministère de l’Environnement pour délivrer une autorisation ne permettent pas d’assurer la protection des cours d’eau. Il affirme ainsi que : « La terre est comme une éponge. Lorsqu’elle a trop absorbé d’eau, l’éponge commence à fuir. C’est la même chose avec le sol : en ajoutant du phosphore année après année, le sol devient saturé ».
À l’absence de normes adéquates s’ajoute un autre élément mis de l’avant par monsieur Robert soit l’influence trop importante des entreprises privées dans le comité qui déterminait les recommandations de fertilisation. Nous nous retrouvons aujourd’hui avec des normes liées au phosphore trois fois plus permissive qu’en Ontario par exemple. Nous retrouvons également avec un cercle vicieux dans l’industrie porcine : importation d’engrais non nécessaires pour nourrir des porcs qui seront exportés mais qui vont ajouter du phosphore à nos terres déjà saturées. Pour mettre fin à cela, l’agronome propose de revoir les normes et les pratiques en utilisant plus judicieusement le lisier ce qui permettrait de réduire les importations d’engrais par la même occasion.
Afin d’assurer un débat cohérent sur l’utilisation des terres agricoles, la demande du regroupement citoyen du Val-Saint-François auprès du ministre de l’Environnement monsieur Benoît Charrette afin de déclencher un BAPE sur la multiplication des élevages porcins dans la région prend tout son sens. Depuis moins d’un an, quatre projets ont été développés. Alors que la limite d’un élevage pour exiger un BAPE est de 4000 porcs, trois de ces projets ont effectué une demande à 3996. Étant donné que ces projets viennent d’intégrateurs, on peut rappeler un vieux principe de droit selon lequel : on ne peut faire indirectement ce que la loi interdit directement. À l’heure de la volonté exprimée visant l’autonomie alimentaire, de la transition énergétique à effectuer et de la nécessaire relance économique, les privilèges accordés à l’industrie contre nos territoires agricoles doivent prendre fin. Le sujet ayant été porté à l’Assemblée nationale la semaine dernière démontre l’importance de cet enjeu.