Quand le collège Stanislas menace de sous-traiter…

22 juin 2017

Conflit de travail

Quand le collège Stanislas menace de sous-traiter…

Léa Fontaine

Il n’est pas ici question de faire le procès du financement du privé par le public, qui est un sujet en soi. Mais il s’agit de dénoncer le recours à la sous-traitance de plus en plus courant dans divers services à la population.

En l’espèce, nous évoquons le conflit qui sévit au collège Stanislas de Montréal depuis plusieurs semaines. La convention collective des 30 employé.e.s de soutien du Collège sera échue le 30 juin 2017. La négociation collective est entamée depuis le mois de janvier dernier, mais n’aboutit à rien de concret. « L’attitude odieuse de l’employeur », pour reprendre les mots des employé.e.s, viserait à se débarrasser d’eux et de faire appel à la sous-traitance, violant ainsi une clause de la convention collective, qui interdit explicitement le recours à cette forme d’intermédiation. La menace de recourir à la sous-traitance est suspendue au-dessus de la tête des employé.e.s telle une épée de Damoclès.

Le négociateur patronal n’est pas n’importe qui : il s’agit du directeur adjoint de la négociation collective de 2011, aujourd’hui directeur général de l’établissement. En tant que directeur adjoint, il avait signé une convention collective équilibrée et qualifiée de « presque parfaite », selon les parties patronale et syndicale. Le vent a tourné… Depuis qu’il occupe la haute fonction, il a procédé à des congédiements, à des abolitions de postes. Selon monsieur Jean Lacoursière, président du Syndicat des employées et employés du collège Stanislas (FEESP-CSN) représentant le personnel de l’entretien ménager, de l’entretien général et les gardiennes et techniciennes de laboratoire, l’employeur est arrivé avec une convention collective clef en main, prête à être signée sur-le-champ. Ceci est – malheureusement – de moins en moins rare dans le monde du travail, alors que traditionnellement, les parties s’échangeaient une copie de leurs propositions respectives. L’employeur exige d’énormes coupures en matière de conditions de travail. Parmi celles-ci figurent notamment un gel des salaires, le retrait de plusieurs avantages sociaux dont des jours de vacances et de maladie, l’abolition du paiement de la pause repas dans certains cas, le refus de payer l’équipement vestimentaire, la suppression de la garantie d’heures de travail, etc.

Mais qu’en est-il des demandes syndicales ? En fait, elles proposaient essentiellement le statu quo, soit la conservation des acquis dont la clause remorque (application de la convention collective échue aussi longtemps que la nouvelle n’est pas signée). Les membres du syndicat ont été prévenu.e.s par leur avocat conseil, qu’ils devraient faire certaines concessions, ils étaient prêt.e.s à obtempérer ; mais les demandes de la partie patronale sont telles que leur acceptation réduirait à néant la protection du contrat collectif de travail. Soulignons que le collège confirme ne pas être en situation précaire, alors qu’il exige toutefois des concessions avoisinant le demi-million de dollars. 

Le recours à la sous-traitance est de plus en plus courant de nos jours. Ce mode d’intermédiation – pour ne parler que de celui-ci – permet aux employeurs d’accéder à une main-d’œuvre qualifiée, à la demande, sans avoir à assumer la gestion du personnel. Cette manière de voir les travailleuses et les travailleurs revient à les faire sombrer dans la « fosse de la précarité ». Rares sont les personnes heureuses de travailler en sous-traitance…

Pour en revenir aux employé.e.s de Stanislas, ils bénéficient d’un soutien incroyable de la part des professeurs, ce qui n’était pas couru d’avance, mais aussi des familles. En effet, ce qu’il y a de particulier dans ce collège, c’est que les élèves sont accueilli.e.s de 4 à 18 ans. Ainsi, les membres du personnel les voient grandir et participent aussi à leur éducation. Le président n’hésite pas à dire qu’il lui arrive de chicaner gentiment un élève qui vient de faire un mauvais coup. Certain.e.s élèves se sont attaché.e.s à « monsieur Jean », président du syndicat, ou à d’autres membres du personnel, et viennent le saluer à la fin de leur cursus. Une chose est sûre, au fil du temps, les liens se sont tissés serrés entre les employé.e.s du collège Stanislas, les élèves et leur famille ainsi que les profs. Une solidarité s’est solidement construite, peu à peu. Ces 30 employé.e.s ne sont plus seul.e.s face à la direction. Plusieurs actions « coups de poing » ont eu lieu jusqu’à présent afin de mobiliser davantage de monde ; celles-ci semblent profiter des évènements organisés par le collège. Il y en aura fort probablement d’autres.

Ce conflit, avant tout idéologique, dure depuis trop longtemps et les demandes patronales frôlent la mauvaise foi tant elles sont énormes. Pour apaiser l’atmosphère, le syndicat invite l’employeur à respecter les valeurs qui font la renommée de « Stan » et qui sont partagées par tous, soit : le respect, la solidarité et l’ouverture. Monsieur Jean Lacoursière n’hésite pas à rappeler que l’ensemble de ses membres ont toujours répondu présents lorsqu’il a fallu mettre l’épaule à la roue, beau temps, mauvais temps, pendant ou dehors des heures régulières de travail… « Depuis des années, nous faisons bien notre travail avec le goût de l’effort et de façon responsable. Nous tenons à conserver nos acquis », conclut Jean Lacoursière. Espérons que la direction entende ses employé.e.s une bonne fois pour toute !

Une pétition contre le recours à la sous-traitance a été lancée ces derniers jours.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème