Le Devoir et les nationalistes conservateurs
Dans Le Devoir du vendredi 12 décembre dernier, Éric Bédard peut répondre directement à la critique féministe de son histoire du Québec par Micheline Dumont. Sa réponse est assortie de sa photo en couleur, tandis que celle de l’historienne Dumont l’est par Pauline Marois, une des femmes dont parle Bédard. Quel autre auteur aurait le privilège d’être appelé par Antoine Robitaille afin de répliquer le jour même à une critique de son livre ? Tous ceux qui partagent son orientation politique : les nationalistes conservateurs.
Surprise ! Dans le même journal, Christian Rioux critique le néolibéralisme qui émascule les États et la démocratie, particulièrement dans les pays jouissant d’une protection sociale étendue. Une semaine plus tôt, il m’avait réjoui, en condamnant Jacques Villeneuve et Gérard Depardieu qui, en vue d’échapper à l’impôt, fuient leur pays pour se réfugier dans un paradis fiscal. Un mois plus tard, dans Le Devoir du 19 et 20 janvier, ce correspondant à Paris récidive en interviewant Jacques de Saint Victor qui explique comment l’expansion du phénomène criminel est directement proportionnelle à l’affaiblissement de l’État providence.
Oui, c’est le même Rioux qui avait appuyé l’invasion de l’Irak par les États-Unis et qui défend la France profonde contre l’invasion des nouveaux « barbares », particulièrement arabes et musulmans. Mais je suis tout de même content que nous partagions une position similaire sur la mondialisation néolibérale. Sauf Mathieu Bock-Côté et quelques autres qui n’arrivent pas à comprendre que l’idéologie de l’individu libre dans un marché libre est contradictoire avec toute adhésion à une entité collective, fut-elle celle de nation, les nationalistes conservateurs n’adhèrent généralement pas au néolibéralisme. Mais aucun, à ma connaissance, ne le condamne aussi ouvertement que Christian Rioux, tout en défendant l’État providence dont le dépérissement provoque sa croissance.
Cependant, le journaliste affirme, dans son article du 12 décembre, que les États-Unis n’ont pas baissé les bras, comme la plupart des États, devant le fléau néolibéral, comme le démontrerait leur conflit avec la banque suisse USB. À l’opposé, dans le même journal, Serge Truffaut, dont les analyses sont toujours justes, montre que les amendes infligées ont sans doute affecté les entreprises, mais non les « escrocs en col blanc » qui n’ont pas été emprisonnés. Il conclut ainsi : « Après Too big to fail ou Trop gros pour faire faillite, voilà que les banques jouissent désormais du Too big to jail ou Trop gros pour être emprisonné. À ces privilèges, on vient d’en cimenter un autre : soit le Licence to steal ou le permis de la fraude. »
Jean-Marc Piotte