La recherche du sens
Jeune, le catholicisme donnait un sens à ma vie. Il m’enseignait le bien et le mal et me traçait la voie à suivre pour atteindre, dans l’au-delà, le bonheur. À 20 ans, lorsque je soumets cet imaginaire religieux à la critique de la raison, je me retrouve désemparé et cynique dans un monde désenchanté. Rapidement, le marxisme redonne un sens à ma vie en l’insérant dans la lutte du prolétariat pour libérer l’humanité de l’oppression et de l’exploitation. À 40 ans, en prenant une distance critique face à cette conception du monde, je me rends compte que le livre qui m’avait converti au marxisme, Pour connaître la pensée de Karl Marx d’Henri Lefebvre, reposait sur un fond chrétien non reconnu et non-dit.
J’ai alors vécu une période de dépression et me suis senti comme « un errant dans le désert de son for intérieur » (André Major, À quoi ça rime, p. 51). La vision du jésuite Pierre Teilhard de Chardin qui, se fondant sur les bases scientifiques de l’évolution, traçait un avenir lumineux de l’humanité me fascinait. Mais comment adhérer à cette vision contredite par la stagnation morale et politique (la paix ne constitue qu’un intermède entre les guerres) de l’humanité ?
Il n’y a pas de transcendance qui donnerait sens à nos vies. C’est difficile à admettre par tous ceux élevés au sein d’une des trois religions monothéistes (juive, chrétienne et musulmane) et sans doute tolérable pour les confucianistes et les bouddhistes. Croire à l’Absolu ou à la Vérité apporte aux monothéistes un sentiment de sécurité, dont je ne remets pas en question la pertinence, mais je préfère la liberté de questionner et supporte l’angoisse qui l’accompagne.
Je comprends la recherche de sens des nationalistes conservateurs. Je leur reproche une démarche qui minimise la science historique et qui trouve le sens dans la nation culturelle. Or la nation naît historiquement et politiquement avec la Révolution française et réduire le sens à la nation signifie que l’humanité n’en a aucun.
Le sens tout relatif de ma vie, je le trouve dans l’amour qui me relie à mes proches (ma fille, ma conjointe et mes amis) et dans la poursuite (sans espoir et avec conviction écrivait Gramsci) d’un monde structuré par la liberté, l’égalité, la solidarité et la justice sociale. Ma vie, réduite à elle-même, est insignifiante, sauf pour mes proches et ceux qui m’estiment.
À l’échelle de l’humanité et encore plus à l’aune du cosmos, la vie de chacun n’a pas plus d’importance que le moindre brin d’herbe du parc Lafontaine. C’est bien ainsi.
J’assume maintenant complètement mon athéisme.