Cher Stephen
Texte lu au Cabaret politique - 2015 : Bye bye Harper, organisé par la coalition Pas de démocratie sans voix.
Cher Stephen,
Je ne pensais jamais t’écrire une lettre un jour
Mais cette soirée en ton honneur m’en donne l’occasion inattendue
J’avoue que tu as tellement fait de dommage depuis que tu es au pouvoir
Tu t’es tellement empêtré là où il ne faut pas
Que je ne sais plus par quoi commencer
Je suis désolé de te le dire, Steven,
Mais chaque fois qu’arrive un problème
Tu choisis toujours la pire solution pour le régler
La pire !
Et si encore tu te morfondais, tu montrais du regret
Ne serait-ce qu’une fois
C’est ce qui m’effraie le plus de toi Stephen
Ta totale insensibilité, ta parfaite insensibilité
Tellement que j’ai l’impression que si on te coupait le bras
Ce ne serait pas du sang qu’on verrait couler
Mais c’est des fils qui apparaîtraient
Tu as l’air d’un robot, Stephen, je ne peux rien y faire
Un robot efficace, bien programmé,
Mais un robot tout de même.
*
Enfin, ce que je veux te dire plus spécifiquement
C’est que je suis dans une organisation qui s’occupe de la finance
Non, Stephen, pas pour faire de l’argent, pas pour faire beaucoup d’argent
Tu auras de la difficulté à comprendre
Mais nous combattons la finance, sa cupidité, ses magouilles, son manque d’empathie, sa puissance
Enfin
Au fait, tu ne me connais pas, mais tu peux facilement t’informer à mon sujet
Tu n’as qu’à demander à ta police
Et fouiller dans ses dossiers
Section Activistes,
Facile à trouver, tout juste à côté de la section Terroristes
Tu sauras tout sur moi…
*
L’économie, c’est ta force, nous dit ta légende
C’est ainsi que tu voudrais qu’on se souvienne de toi
Comme quelqu’un qui a bien su gérer l’économie
Mais là comme ailleurs, fidèle à toi-même
Et sans vouloir te faire de peine
Tu as toujours pris les pires décisions
*
Alors que tu a coupé des budgets un peu partout,
Dans les programmes sociaux, chez les fonctionnaires
Et surtout chez les gens qui ne pensent pas comme toi
Tu as signé toutes sortes d’accords avec des paradis fiscaux
Des beaux paradis fiscaux dans les Caraïbes, avec de belles plages
Avec la belle Suisse montagneuse
Pour que l’argent des riches sorte à pleine porte du pays
Pour que les riches ne fassent pas comme tout le monde ici dans la salle
C’est-à-dire payer une juste part d’impôts
Pour que le Canada et le Québec puissent vivre
*
Tu as réduit à pas grand chose l’impôt des entreprises
Pour transformer notre pays en ce qui commence à ressembler à un paradis fiscal
« C’est pour que les entreprises investissent avec l’argent économisé »
Nous as-tu fait accroire
Toi et elles, vous êtes morts de rire
Pourquoi investir, se donner tout ce trouble
Alors qu’on peut se faire bien plus de fric
Sans se fatiguer
Sans compte à rendre
Sans que les profits ne redescendent à l’ensemble de la population
En allant spéculer sur les marchés financiers ?
*
Une autre de tes fumisteries, Stephen
C’est de dire que le Canada a bien traversé la dernière crise économique
Grâce à toi, à ton gouvernement
Et à notre système bancaire règlementé
Ce que tu ne dis à personne
C’est que ce système bancaire, tu voulais justement le dérèglementer
C’était dans ton programme, dans tes intentions
Dans ta foi la plus profonde
En cohérence avec tout ce que tu crois
Mais tu n’as pas eu le temps, la crise est arrivée trop vite
Et maintenant, tu te vantes
Tu te vantes de ce que tu n’as jamais voulu faire
Et que tu as été forcé d’accepter
Au point de trahir ta foi au libre marché
*
Autre miroir aux alouettes, l’une de tes plus belles cartes
Preuve de tes compétences économiques
Les accords de libre-échange que tu signes à qui mieux mieux
Avec des pays qui ne respectent pas les droits de la personne
Avec des monstres économiques dix fois plus gros que nous
Peu importe
Je signe donc je suis, vite, vite
Sans consulter personne, après avoir négocié en secret
C’est pour notre bien à tous, dis-tu
Faites-moi confiance
*
Mais en les regardant, ces accords de libre-échange, en les lisant attentivement
Ce que tu ne veux surtout pas que nous fassions
On découvre des choses pas très belles
Qu’on se fait carrément avoir
Que tu hausses le coût des médicaments
Détruit notre agriculture artisanale
Favorise la privatisation de nos services publics
Ouvre nos marchés publics à de grosses multinationales étrangères
Et surtout, tu donnes aux entreprises le pouvoir de poursuivre ton propre gouvernement
Si jamais une loi ne leur convient pas
Tu as trouvé le moyen de t’empêcher de gouverner pour la population
Au cas où l’idée t’en viendrait
Toi et aussi tous ceux qui te suivront
Tu es fier de ça ?
*
Tu fais de la musique Stephen
D’ailleurs, je crois que toi et moi, c’est vraiment la seule chose qu’on a en commun
Oui, oui, je t’ai entendu
On t’as donc programmé pour ça
On n’arrête pas le progrès
Tu as même chanté Imagine de John Lennon
(Au fait, as-tu vraiment porté attention aux paroles ? Les as-tu entendues ?)
Je ne te veux pas de mal, Stephen, malgré tout ce que tu as fait
J’ai même des projets pour toi
Pourquoi ne deviendrais-tu pas musicien, chanteur
Quelque part dans un bar ou un hôtel à Calgary
Avec ton talent…
Je n’irai pas t’entendre, c’est un peu loin
Et surtout, on t’a déjà assez vu comme ça
Mais écoute-moi bien
Parce qu’on en a assez de toi
Et qu’on souhaite de tout cœur ta défaite électorale
Parce que ça prendra des années à reconstruire brique par brique
Si on y parvient
Tout ce que tu as détruit en si peu de temps
Musicien, c’est un beau métier
Pense-z-y bien, Stephen
Et tant qu’à y être
Pourquoi pas le devenir… tout de suite ?