Une vigile à Tunis
Tunis, mercredi soir dernier. À mon retour d’un souper, me dirigeant vers mon hôtel, j’aperçois un petit regroupement bruyamment revendicatif, près des barbelés du ministère de l’Intérieur. Ils devaient être une cinquantaine, une centaine tout au plus, mais l’énergie ne manquait pas. Bien vite, je comprends qu’il s’agit d’une vigile demandant que justice suive son cours pour la mort de Chokri Belaïd, militant laïc et progressiste assassiné au début du mois de février. On m’explique qu’une vigile a lieu tous les mercredis de 12h à 13h, mais qu’étant donné la tenue du Forum Social Mondial, les interventions publiques se font plus nombreuses pour attirer un maximum d’attention sur la question.
Derrière moi, un jeune Tunisien me demande si je comprends les slogans. Je lui dis que non, mais que je connais les motifs de l’action. Il m’en traduit quelques-uns, pour ensuite me demander :
– Vous venez d’où ?
– Du Québec.
– Ah, ça va le mouvement là-bas ? Pas facile avec la police hein ?
Réponse spontanée qui m’a vraiment pris de court. Disons qu’il semblait suivre de près ce qui se passe chez nous ! J’ai ensuite eu une partie d’explication : il se définit comme un cyberactiviste ; un bon usage d’Internet et des médias sociaux permet de se tenir très informé des contestations de par le monde. Par cyberactivisme, il entendait la perturbation de sites web gouvernementaux, ce qu’il faisait avant la chute de Ben Ali. Il m’a spécifié qu’étant un peu plus âgé, il n’en faisait plus par crainte de représailles judiciaires à l’endroit des adultes, mais que ses amis et lui préparaient une relève formée de jeunes de 13 ou 14 ans !
Les slogans sont criés avec intensité, l’hymne national tunisien et l’Internationale sont chantés avec passion. Des chandelles sont placées au sol. Après quelques temps, c’est avec surprise que je reconnais Besma Khalfaoui, veuve de Chokri Belaïd. Celle-ci affronte l’épreuve avec courage en poursuivant le combat ; elle est d’ailleurs intervenue lors de la soirée d’ouverture du Forum (celles et ceux qui comprennent l’arabe peuvent le visionner ici. Bref, une vigile bien émouvante.