Dossier - Syndicalisme : comment

Dossier - Syndicalisme : Comment faire mieux ?

Syndicalisme et information : donner la parole, la faire circuler

Michel Lacroix

Après deux ans de vie syndicale virtuelle, confinée dans des petites cases sur l’écran, ceci dans un contexte de transformations médiatiques majeures, la question se pose pour tout syndicat : comment communiquer avec les membres ?

Le texte de Karine L’Ecuyer montre bien l’importance que peuvent avoir les journaux syndicaux pour créer des liens entre syndiqué·es et favoriser la vie démocratique interne, mais il montre aussi le travail parfois considérable qu’exige la fabrication de ces bulletins, rapports et revues. D’innombrables publications syndicales ont accompagné l’histoire de nos luttes, des plus modestes aux plus professionnelles : La Vie syndicale, Au Coton !, Le Métallo, La Voix forestière, Pour vaincre, En mouvement, Le Castor, tant et tant de titres oubliés, mal conservés, qui misaient sur La Force des mots et cherchaient à dire : Ça te concerne !

Mais ces journaux sont-ils lus par d’autres que les plus militant·es (et les patrons) ? Sont-ils trop « intellectualisés », éloignés de ce fait des conditions concrètes de travail et des vies quotidiennes ? Trop soucieux de justifier les « lignes syndicales », craintifs des questions litigieuses et menacés par une certaine langue de bois ?

Quand je replonge dans les pages du Travail, « le magazine du monde ordinaire publié par la CSN », au mitan des années 1970, je suis impressionné par la diversité de voix qui s’y font entendre : des éducatrices, professeur·es et travailleuses sociales dans un article sur « le sort que nous faisons aux enfants » ; trois témoignages sur la crise du pétrole ; des syndicalistes, ouvrier·ères, avocat, chef de police, étudiant·es de cégep et autres figures de Joliette dans un reportage sur les conséquences dans cette petite ville de deux grèves locales ; des nouvelles sur les clubs alimentaires, une coopérative immobilière et les comités populaires d’Abitibi-Témiscamingue ; des nouvelles brèves sur une vingtaine de grèves en cours (autre époque !) ; le courrier d’une douzaine de lecteurs·trices aux positions bien contradictoires et parfois bien directes (« Y’é grand temps que l’gars ben ordinaire soit représenté, que ce qu’il a à dire soit publié pour que l’administration sache qu’on est conscients qu’on se fait fourrer », déclare « un fonctionnaire de Montréal ») ; ceci en sus d’une longue entrevue avec « une femme de mineur de Thetford », qui n’a pas la langue dans sa poche.

Je ne souhaite pas ici idéaliser une formule, mais souligner le fait que l’on n’entend plus guère ces bribes de discours personnel, ces informations concrètes sur la vie des syndiqué·es, sinon exceptionnellement sur les réseaux sociaux.

Peut-être est-il temps, d’ailleurs, d’avoir une présence syndicale significative, échappant au contrôle trop serré des « relations publiques », sur ces réseaux. C’est une évidence flagrante, aux yeux d’Éric Gingras : « il nous faut imaginer être maîtres de la diffusion : direct Facebook, diffusion vidéo simultanée sur plateforme Web, couverture en images sur les réseaux sociaux, story sur Instagram, série de tweets en direct, etc [1] ». Cessons de nous accrocher aux communiqués et conférences de presse d’antan, nous dit-il, s’interrogeant même sur la pertinence du recours rituel aux manifestations.

Sans avoir le même enthousiasme que ce dernier pour le syndicalisme numérique, force est de reconnaître que les syndicats doivent s’interroger sur les façons d’informer les membres, de les faire participer aux débats, de faire connaître à l’interne et à l’externe la réalité concrète du travail et le rôle des syndicats dans les luttes pour la justice sociale et environnementale. Réfléchir, donc, aux façons de combiner jasette de pause-café, assemblées en présence et assemblées virtuelles, imprimés, vidéos et réseaux sociaux, ceci dans une consciente diversité des tactiques et sans volonté de tout contrôler d’en haut et à l’avance. 


[1ll nous faut imaginer être maîtres de la diffusion : direct Facebook, diffusion vidéo simultanée sur plateforme Web, couverture en images sur les réseaux sociaux, story sur Instagram, série de tweets en direct, etc.

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